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La complainte du tire-bouchon
Article de Loupzen
Je suis le complice parfait et pourtant mal traité par tous ceux qui un jour m’ont utilisé.Après avoir eu la vedette et connu des instants de gloire
c’est dans le fond d’une poche ou le recoin d’un tiroir
que j’attendrai à nouveau que l’on vienne me voir
Je pourrai ainsi retrouver l’utilité qui fit ma gloire.
Mes ancêtres : tire-balle ou tire-bourre servaient d’ustensiles à des imbéciles qui préféraient s’entre tuer et tirer des coups. Il faudra attendre des siècles plus tard qu’un anglais ingénieux m’offre l’opportunité de briller en société.
La main du maître qui saura m’utiliser pour qu’enfin mon utilité soit reconnue, je la bénirai bien volontiers, sachant que grâce à ce tour de main, je rendrai sa liberté à des saveurs dans une bouteille retenues..
Les yeux fermés, les paupières closes, je les imagine réunis autour de moi, attendant de mon ultime effort, que ce son si particulier d’un bouchon que l’on retire et qui saute semblable à une détonation d’un starter, donne le top départ à des coureurs du « tour de taille ».
Pour quelques instants encore je suis la vedette, l’unique objet important du moment avec lequel il faut compter. Tant que je suis indispensable, ma véritable place est sur la table, après, ma renommée dépendra de la dextérité de son utilisateur.. J’en ai connu des fanfarons qui se faisaient passer pour des pros. mais qui me faisaient supporter le manque de savoir ouvrir.
Je suis pourtant le garant des qualités d’un vin ainsi conservées au fil des années et pour vous les offrir je suis l’objet qu’il vous faudra savoir utiliser, alors que d’une capsule métallique, quels secrets peut-elle bien offrir ?
Car pour bien m’utiliser encore faudrait-il savoir qui je suis et de quel pays sont mes origines.
J’ai des cousins dans quasiment tous les pays d’Europe. Dans l’ensemble, et par comparaison à l’Angleterre, l’Allemagne, la France, les États-Unis, les brevets belges de tire bouchon sont rares.
Quelle tragédie pour mon cousin Belge… ne pas s’en servir pour tirer des bouchons de «LIÈGE», jeu de mots….
« Messieurs les Anglais, tirez les premiers » cri de lèse majesté, le vin serait-il le nectar réservé aux uniques français ?
Il semble bien que ce soit un Anglais, le Révérend Samuel Henshall, qui ait déposé le 25 mai 1795 le premier brevet d’invention. le premier brevet français date de 1828, et en Allemagne il a été attribué en 1877.
C’est un problème de stockage et de circulation qui firent de moi l’instrument parfait pour résoudre les problèmes que posaient les bouchons… déjà à l’époque !
Au XVIIe. siècle à l’ère industrielle, les anglais qui élevaient leurs vins en bouteille dites » en bulbe d’oignon » choisirent des flacons de forme cylindrique, pour des questions de stockages. Le col effilé nécessita pour une meilleure étanchéité un bouchon de liège aux cotés parallèles.
Mon ancêtre découvrit enfin un compagnon idéal. Au fil du temps ils surent s’adapter : lévogyre pour les gauchers et dextrogyres pour les droitiers, « gaucho » ou « argentin » parce qu’ils chevauchent le bouchon, avec étui de poche ou « sommelier » lorsqu’il sert dans un restaurant, puis limonadier lorsqu’il est l’adjoint d’un décapsuleur.
Une menace pèse sur ma descendance, la capsule fait son apparition, confirmation que l’homme est en pleine décadence.
Tags : tire-bouchon, liège
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Commentaires
Encore un article sympathique et instructif sur l'histoire de ce compagnon de poche qui permet avec modération d'apprécier de bons crus tout horizon
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Peut être aussi que les chênes liège n' en peuvent plus !
est ce pour ça qu' on tente le plastic par ailleurs décrié ?
Je trouve que le tire -bouchon participe au plaisir d' ouvrir une bonne bouteille
Passe une bonne journée
Bises
je suis tout à fait d'accord pour ce qui concerne l'ouverture d'une bouteille
quant au plastique au vu des perturbateurs endocriniens ce n'est pas une solution de substitution positive
mais il est vrai que ces chênes lièges sont épuisés d'être ainsi exploités