• Régler ses comptes à coup de pinceaux de Loupzen

    Article écrit par Loupzen

    J'ai rencontré une femme qui avait quelque chose à dire. 

    Il y a chez cette femme différentes sortes d'expression :

    - Les recettes d'une cuisine ancestrale qu'elle prépare depuis quarante ans, n'apparaissent pas dans des livres de cuisine. Il n'existe pas de traditions écrites chez les Gitans.
    - Un goût certain pour la provoc. et le «fight » elle est monitrice d'état de Boxe Française ,sport qu'elle a enseigné durant dix années à des mâles, des durs, des tatoués. Elle aime la confrontation.
    - L'expression artistique, oui peindre, c'est aussi s'exprimer.

    Ce qu'elle avait à dire, elle le disait à l'aide de ses pinceaux...

    Pour ma part, les seuls pinceaux que je connaissais, étaient ceux des frères Ripolin, les trois gugusses qui se peignaient le dos....quoique peut être une fois ai-je dû peindre une girafe...mais c' était il y a fort longtemps.

    Ce cheminement qu'a été une partie de ma vie à ses cotés, m'a offert de sacrées opportunités.
    Il est des êtres sortant de l'ordinaire, des gens ordinaires qui font des choses extraordinaires et des êtres extraordinaires.
    La femme dont je vais dresser le portrait appartient à la troisième catégorie.

    Elle s'est glissée dans la peau d'une artiste-peintre, comme pour se camoufler et ne pas se faire repérer. De façon générale, je n'apprécie pas cette façon « sniper » de flinguer les gens à distance, mais là, je dis « Maline Catherine », c'est son prénom.

    Elle a des comptes à régler.

    Autodidacte en tout, elle a poussé dans la vie, sans tuteur. Elle a sa place au jardin des « simples » mais sait se fondre dans les recettes de la cosmétologie, sans doutes l'alchimie du bonheur.

    Ses professeurs se nommaient, ''us et coutumes, traditions, parole donnée et respect''.

    Pourtant elle Possède une solide formation en solfège, elle est une virtuose de l'accordéon depuis sa plus tendre enfance. Plusieurs fois distinguée avec médailles d'or à la clef, diplômes d'honneur, elle a été désignée par son père pour jouer de cet instrument.
    Pourquoi ? Je l'ai découvert il y a peu de temps. Le grand-père paternel jouait de l'accordéon dans un « jazz-band » de l’après guerre.

    Cet ancêtre est décédé avant de connaître le visage de son fils et donc de sa petite fille. Pour des raisons qu'un jour, je révélerai, elle a rangé son piano à bretelles.

    La dernière fois qu'elle a fait vibrer l'air et chavirer mon âme, c'était lors de l'interprétation d'un air traditionnel tzigane « les deux guitares ». Notre fils Pierre l’accompagnait à la guitare.

    Difficile d'exprimer ce qu'elle ressent. Cette artiste-peintre est trop discrète pour se mettre en avant.

    Elle déclare que ses œuvres ne méritent pas la place que j'aimerais qu'elles occupent.

    Ce n'est pas de la fausse modestie... Et puis l'héritage est là, pesant, n'offrant pas à la " Femme " la place qu'elle mérite d'occuper... La burka n'est pas loin... Que Dieu leur pardonne.

    J'ai mis très longtemps à comprendre et encore plus à accepter les raisons profondes de son attitude.

    Elle ne cherche pas à plaire...elle cherche à communiquer.

    S'exprimer est dangereux dans certaines sociétés surtout pour une femme. 

    La place qu'elle occupe au sein de la famille n'est pas due au hasard, les rôles sont bien définis par le père et les anciens. Changer l'ordre établi tient de la révolte, l'insoumise se verrait mis au banc de la famille. 

    Et pendant ce temps....cette âme peint....

    Alors à défaut de coups de flingue pourquoi ne pas utiliser le langage de la peinture. C'est plus subtil.

    J'ai ressenti à la lecture de ses tableaux des témoignages de traumatismes anciens.

    Sa volonté de se débarrasser du joug de ses vies passées, des blessures de son enfance se traduit par un étalage au grand jour, en pleine lumière avec des couleurs sacrées comme le sang, l'or, le feu.

    Encore une fois un lourd secret est présent.

    Les tableaux sont en relief.  Un peu comme si elle désirait supprimer le platitude, la banalité infligée par les auteurs de ces traumatismes. Elle espère que ces actes ne soient plus considérés comme normaux mais en tant que actes graves et impunis .

    Elle se sert de matériaux ramassés sur le sol de la Camargue : sables de divers origines, bois flotté, crins de chevaux, poils de taureaux, objets délaissés auxquels elle redonne vie. Ces éléments sont incorporés à la peinture et ne surchargent pas l'œuvre, ils la complètent.

    Ce rituel de mort appelé « la tauromachie » est très présent dans ses représentions.

    Régler ses comptes à coup de pinceaux de Loupzen

    Un sujet pour lequel tant de bla-bla ont été déversés pour masquer les cris des bêtes qui souffrent, des anti-cruautés qui hurlent ''liberté pour ces pauvres bêtes'' avant de s'empiffrer de hamburger chez MC Dodo à la sortie des arènes et des'' pour que la bête qui se trouve en moi meure ''…..mourir pour des idées, d'accord, mais de mort lente.

    Pour cette artiste-peintre cela est tout autre chose.
    '' C'est l'éternel combat du Bien et du Mal, le "Sang i or", c'est la lutte pour la vie, l'Homme face à lui-même, la Mort, la Pauvreté, l'Oubli, l'Intolérance, c'est la Comédie Humaine... Comparaison entre Humanité et animalité.. ''

    Je vais me lancer dans ce que j'appelle de la psychologie à quatre sous, du même nom que l'opéra.
    La partie majeure de ses réalisations dépeint des scènes de combats entre un taureau et un homme, le toréador.
    Ce furent ses premiers mots d'artiste.

    Un humain en possession d'une arme promet la mort, la fin de vie à un animal. Cette fin est programmée suivant un rite bien codifié, dans un endroit bien spécifique et suivant un cérémonial avec des règles acceptées par l'animal, par l'acteur et le spectateur.

    L'animal, un taureau noir, puissant représente la bestialité, l'homme dans ses plus bas instincts, le danger pour une femme, la dictature du mâle sur la féminité.
    Le toréador, en habit de lumière, resplendissant, en positon de supériorité, monsieur Loyale et frère de Monsieur Propre arrivent en justicier pour venger notre artiste.

    Régler ses comptes à coup de pinceaux de Loupzen



    La sphère dans laquelle se déroule cet arrangement est un vase clos.

    L'arène, ce sont ses propres souvenirs, ses blessures, ses attentes en matière de comptes à régler, sa vision de l'Homme-ancêtre, père et mari – son univers en quelques sortes.

    Et ce drame que lui provoque des souvenirs elle veut le montrer en plein jour, devant témoins, suivant un cérémonial qui donne de la légitimité et de la crédibilité à cet acte officiel qui se veut être une revanche sur les poids des traditions imposées par sa filiation.... non pas une vengeance

    Règlement de comptes à '' OK CORRAL '' serait galvauder cet acte d'une infinie importance pour elle. Après cet arrangement sans haine, mais justifiant la fin catégorique de quelque chose, son esprit enfin libéré a retrouvé le vagabond qui sommeillait en elle.

    Communiquer sur d'autres scènes de cet art, avec un taureau plus gros face un matador plus « hispanique » des habits de lumière endossés par des femmes, approfondir des détails n'a plus cette importance cruciale. 

    Elle a réglé en mettant au grand jour ce qui depuis trop longtemps l'empêcher de vivre en tant que femme libre.
    Même si les changements ne furent pas flagrants dans sa vie, c'est sa volonté à elle seule de vivre sa vie comme elle l'entend... 

    Et si on demandait au taureau avec ses deux oreilles coupées ce qu'il entend par là ?

    Régler ses comptes à coup de pinceaux de Loupzen

     

     

     

     


  • Commentaires

    1
    Mercredi 17 Octobre 2018 à 17:34

    pour  moi  la corrida, c' est de la lâcheté, aucun matador n' oserait  affronter  un taureau  sans l' avoir blessé et fait saigner via les picadors !

     et  le taureau  agit toujours de la même  façon !

     Quoiqu' il en soit,  un spectacle éclaboussé par le sang  d' un animal, n' est pas admissible

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    2
    Vendredi 19 Octobre 2018 à 01:08

    nous sommes bien d'accord, et la symbolique que cette artiste a choisi est bel et bien un art triste.

    Reconnaissons le courage (je n'ose pas employer l'insolence ) quant aux conséquences des relations de sa famille, de son clan (et sans en faire trop de la nation Gitane).....il faut affronter chaque jour les situations et répondre maintenant aux descendants le pourquoi de ce positionnement .

    Elle vient de perdre un oncle (personnage incontournable par son charisme, son savoir et sa profession de magnétiseur ) et devra affronter  dans les jours qui viennent le regard de la Famille......

    je serai à ses cotés lors des funérailles (crémation ).

    Merci de porter autant d’Intérêt à LA GAZETTE

    3
    Lundi 29 Octobre 2018 à 18:37

    superbe article 

    merci pour ce partage du cœur et ces magnifiques œuvres qui parlent beaucoup

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