• PARTIE I - CHAPITRE III

    L'EMPIRE

    D'HÉLÉNA

    Héléna, très stratégique et excessivement mégalomane, a décidé de s'installer à Manhattan pour diverses raisons. Ce comté de la ville de New-York est construit sur une île ; il est entouré par des fleuves et des bras de mer. Le fait que cette ville soit cerné d’eau donne la sensation à la fée de vivre dans un château fort, comme les rois de l'ancien temps. D’ailleurs pour parachever cette effet, et bien marquer son territoire, elle a fait installer des ponts levis sur les routes qui desservent cette citée ; et pour ne pas éveiller les soupçons de la population, elle y a placé des gardes qui simulent un certain folklore. Ils sont habillés de noir et de blanc dans de magnifiques costumes cousus de fils dorés, et portent un chapeau haut de forme, sur lesquels sont représentés la Terre entourée de deux lions. Les gardes ont grand panache et font l'admiration de tous, donnant un air de fête à cette extravagance. Cela rappelle aux visiteurs et aux autochtones le palais de Buckingham à Londres et sa fameuse garde qui fait tant sourire les touristes par leur impassibilité. Mais à la nuit tombée les ponts se lèvent empêchant l'accès à Manhattan et seuls les laisser passer peuvent espérer y pénétrer. Il est tout autant impossible d'accéder par la voie des airs, car tous objets volants non autorisés se désintègrent instantanément. Personne ne pense à contester ces mesures, car c'est pour la sécurité du pays a annoncé la fée ; et nul ne souhaite voir se reproduire des événements tels que les attentats qui ont fait des milliers de morts ces deux dernières années.

    Manhattan est le cœur économique et financier de la ville bâti autour de Wall Street. Et justement « économie », « finance », sont deux mots qui offrent à Héléna une véritable source de plaisir. Elle sait que par ce biais elle asservira de plus en plus les humains, s'assurant ainsi une victoire triomphante sur le clan de la lumière. Mais elle n’a pas jeté son dévolu sur n’importe quel endroit de ce comté. C’est dans le quartier d’affaires de Midtown, où se trouve la zone commerciale la plus active des États-Unis, qu’elle a choisi de vivre. Chaque jour plus de trois millions de personnes se rendent dans ce lieu, et elle peut voir les effets immédiats de ces actions ; pour le cas échéant mettre en place de nouvelles stratégies afin d'asseoir encore plus son pouvoir. Ainsi, Héléna prend peu à peu le monopole de tous les commerces, dont le fameux complexe commercial « Rockefeller Center ». Elle veut tout posséder afin que les humains voient à quel point elle est influente.

    Dans ce quartier il y a aussi l’Empire State Building, le plus haut gratte-ciel de New-York, mesurant quatre cent quarante-huit mètres. C'est exactement à cet endroit qu'Héléna habite, au cent-deuxième et dernier étage.

    La fée apprécie particulièrement un des halls de L’empire State Building, qui abrite sept tableaux réalisés par Roy Sparkia et son épouse. Tableaux qui représentent les sept merveilles du monde. À l'origine il y avait un huitième tableau qui représentait le gratte-ciel. Mais Héléna avec sa folie des grandeurs a décidé de le remplacer par une œuvre qui l'a représente. Elle a exigé une peinture d'elle, réalisée en haut de la tour près de l'antenne. Elle se voyait cheveux au vent entourée de lions de feu, la main sur la tête de l’un d’eux. À ses pieds, elle voulait une représentation de l’univers, pour bien montrer sa toute puissance. C’est dire la grandeur de sa mégalomanie.

    Pour faire réaliser ce tableau Héléna a fait appel à un peintre célèbre : Picasso. Pas simple quand ce fameux artiste n’est plus de ce monde. Mais pour Héléna rien n’est insurmontable. Elle a décidé que ce sera lui, pas un autre qui l'immortaliserait. Souveraine capricieuse et intransigeante elle ne tolère aucune résistance à ses désirs. Aussi a-t-elle envoyé ses meilleurs biologistes en France, là où Picasso est enterré avec sa dernière épouse.

     

    * Vincent *

     

    Le couple repose dans le parc du château de Vauvenargues, leur demeure familiale. Ce qui tout de même a simplifié les choses. Point besoin de se rendre dans un cimetière public. Les biologistes ont donc filé directement sur la tombe de Picasso et vêtus de combinaisons de protection afin de ne pas contaminer l'échantillon, ils l’ont exhumé discrètement. Puis avec délicatesse, ils ont prélevé un morceau de ses ossements. Un des biologistes a vérifié que l'ADN soit encore intact puis a rangé ce précieux « trésor » dans un tube à essai qu’il a placé dans un petit coffre-fort portatif. L'un d'entre eux qui voue une grande admiration pour l’artiste qu’était Picasso, a surveillé les opérations de près afin que les lieux soient laissés tels qu’ils étaient à leur arrivée.

    De retour aux États-Unis les biologistes ont gagné directement leur laboratoire ; et là, ils ont redonné vie à Picasso puis l’ont emmené chez Héléna pour qu’il réalise l’œuvre. Picasso pas plus étonné que ça d'être revenu à la vie, lui a répondu avec verve aux exigences de la fée.

    « C'est bien aimable à vous chère Madame, de me ressusciter pour me solliciter ainsi. Pourtant je ne puis honorer votre attente. Vous savez, si vous vous êtes bien documentée sur moi que je suis avant tout co-créateur du cubisme. De ce fait je préfère le surréalisme au figuratif, a-t-il dit grandiloquent.

    - Monsieur Picasso si vous réalisez ce tableau je vous promets une longue vie où vous aurez toutes occasions de créer autant que vous le souhaiterez. Je vous mettrai à disposition une propriété à la campagne avec tout ce dont vous aurez besoin pour cela. Dans le cas contraire je vous renverrai d'où vous venez. Mais avant je vous servirai quelques tortures de mes spécialités qui vous ferons regretter amèrement votre refus, a répondu la fée mordante.

    - Votre proposition est alléchante et généreuse pour l'artiste que je suis. De plus je n'ai pas trop le choix, peindre votre toile et vivre, ou subir quelques sévices puis retourner six pieds sous terre. Je constate que vous êtes tenace en affaire. Je ne puis que répondre par l'affirmative à votre offre, a consentit Picasso tout autant grandiose.

    - Bien en ce cas mettons-nous au travail dès maintenant. Les lions attendent déjà en haut de la tour. » a ordonné Héléna sur un ton qui ne permettait aucune discussion.

    Au sommet de l'Empire State Building Picasso a découvert une immense toile posée près de l'antenne, ainsi que le matériel nécessaire à la réalisation de l'œuvre. Il s’est attelé sans plus attendre à sa tâche. Héléna qui était impatiente l’a doté de quelques pouvoirs qui ont permit à l’artiste de terminer le tableau en quelques heures. C’est ainsi que cette toile a remplacé le huitième tableau peint par le couple Sparkia. Héléna ne s’est pas arrêté pas là dans sa folie des grandeurs. Elle a fait deux autres modifications dans le quartier de Manhattan.

    La première a concerné le fameux gratte-ciel « One World Trade Center » dont l'édification s'est terminée en 2013 et qui a remplacé les tours jumelles. Elle n’a pas fait dans la demi-mesure et plutôt que de se contenter de faire enlever l'antenne de cette tour, elle a ordonné sa démolition pure et simple. En effet, ce gratte-ciel lui faisait de l'ombre car il était plus haut que l’Empire State Building ; et il est hors de question qu'un bâtiment soit plus haut que celui qu'elle occupe dans ce comté. Héléna veut tout dominer, à commencer par occuper la position la plus culminante des environs et pas question non plus de déménager tous les trois quatre matin. Elle n’est pas à quelques démolitions de tours près.

    Pour ce qui concerne la deuxième modification, Héléna, poursuivant son installation princière, a encore sollicité Picasso pour réaliser une sculpture qui la représente toujours cheveux au vent en compagnie d'un des lions. Une de ses mains posée sur la tête du fauve, tandis que dans l'autre elle tient l'univers. Puis elle a fait enlever la statue de la Liberté qui se trouve sur l’île « Liberty Island » au Sud-Ouest de Manhattan pour la remplacer par sa statue. Elle en a profité pour renommer l’île, l'appelant tout simplement « Héléna ». Très fière du résultat, elle a inauguré sa statue conviant la presse mondiale et la population locale à de grandes festivités. Elle a offert une somptueuse fête où chacun pouvait faire abondance. Le résultat a été à la hauteur de ses espérances : appréciée devant cette générosité sans limites le suffrage a été quasi unanime et le remplacement de la statut de la liberté par la sienne est passé pour un symbole de renouveau aux yeux de tous. Diffusé dans les plus grands journaux l’événement a fait le tour des continents.

     

    * Alanoa *

     

     Petit à petit la fée a déployé ses tentacules, prenant possession de tout. Génard qui continue d'observer sa proie voit ses désirs assouvis.

    Héléna joue ingénieusement sur plusieurs tableaux : elle est partout à la fois afin de créer un climat d'insécurité tout en jouant le rôle de la candidate parfaite pour stopper ce déluge de violence qui s'abat sur la Terre ; sa duplicité est sans égal. L'enjeu est important : que les humains croient sans condition qu'elle est de leur côté, qu'elle agit pour leur bien, que son objectif est de leur rendre leur dignité.

    Généreusement, elle met au service du peuple et du gouvernement sa propre milice pour mettre un terme aux attentats qui se propagent de par le monde ; ces même actes terroristes qu’elle créés de toute pièce !

    C'est lors d'une grande œuvre caritative, rondement diffusée sur les médias, au profit des familles des victimes, et en compagnie d'Obama qu'elle présente ses hommes de main : Les carvésoniens. Ils sont pour l'occasion habillés de jeans moulant qui mettent en valeur leur musculature et de tee-shirt manche longue qui épousent tout autant les formes de leur corps. Les carvésoniens sont trapus et aucun ne dépasse le mètre soixante-quinze, les plus petits d'entre eux mesurent un mètre soixante ; leur cheveux noirs coupés en brosse et leurs yeux tout aussi noirs dépourvus d’iris les distinguent d'un quidam qui aurait la même morphologie.

     

    À l'origine, les carvésoniens ne sont pas des êtres engendrés par les voies naturelles. Ils sont issus de nombreuses manipulations génétiques et les premiers sont tous nés en laboratoire, il y a quelques centaines d'années. Leur créateur, une fois satisfait du résultat a introduit un spécimen féminin capable de reproduire exactement les caractéristiques de cette espèce qu’il avait créé.

    L’organisation des carvésoniens est similaire à celle des abeilles dans une ruche. La reine, qui fait le double de la taille des mâles : près de trois mètres pour deux-cent kilos ; enfante jusqu'à dix enfants par portée. Elle choisis toujours le mâle le plus robuste pour l'ensemencer. Elle peut vivre jusqu'à deux-cent ans et quand sa fin est proche elle met au monde une fille. Lorsque cette dernière est capable à son tour de procréer, sa génitrice meurt. Les mâles, eux, ont une espérance de vie de trente-cinq ans maximum et atteignent l'âge adulte à huit ans. Les carvésoniens vivent sous terre et ils défendent non pas leur territoire mais la survie de leur espèce. Autant dire qu'ils sont extrêmement vigilants et ont développés bien des pouvoirs afin de protéger leur seule et unique reine. Éprouvent-ils des émotions ? Il semble que non. Élevés exclusivement dans un monde masculin, ils apprennent très vite l'art du combat et ne connaissent absolument pas ce qu'est l'amour.

     

    Les carvésoniens lors de cette présentation sont tous alignés, les jambes légèrement écartées, les pieds bien cramponnés au sol, les bras croisés ; avec un regard qui en dit long sur leur intention de ramener la tranquillité sur Terre. L'image qu'ils renvoient, curieusement, rassure les Hommes qui ne souhaitent qu'une chose : la fin de ce climat de peur généré par les attentats et les guerres.

    Héléna vient se poster devant eux et à l'attention des spectateurs attentifs, Obama à ces côtés elle fait son annonce.

    « Mesdames et Messieurs, j'ai l'immense honneur de vous présenter ma garde personnelle, que je mets au service de notre pays afin de vous protéger. Seule une partie de mes troupes est présente, aussi ne vous étonnez pas lorsqu'ils se déploieront dans les villes, car ils sont très nombreux, dit-elle mégalomane. Monsieur le Président m'a sollicité et c'est avec grand plaisir que j'ai accepté de participé à l'éradication des violences dans notre beau pays, finit-elle un large sourire sur les lèvres.

    - Chers citoyens l'heure est grave, nous déplorons trop de victimes et notre armée n'est pas suffisante, tant il y a une recrudescence de terrorisme, explique Obama sentencieusement. Aussi je suis soulagé qu'Héléna ait accepté de nous aider. Je demande la coopération de chacun pour que la paix revienne dans nos contrées. Toute personne ne se soumettant pas aux mesures de contrôle en vigueur sera emprisonnée pour conspiration contre l'état, annonce-t-il fermement. Ensemble nous vaincrons », termine Obama en levant le poing au ciel en signe de victoire.

    Le discours se finalise sous un tonnerre d'applaudissement et aussitôt les carvésoniens se déploient pour œuvrer. S'ils font allégeance à Héléna c'est bien parce qu'elle détient le pouvoir de détruire leur reine et qu'ils n'ont aucun moyen de la contrer. Aussi sont-ils drastique dans leur méthode, car dépend de leur action leur survie. Télépathes par excellence, toute envie de rébellion est très vite canalisée. Ils peuvent réduire en miette quiconque se met sur le chemin d’Héléna sans ressentir la moindre culpabilité. Ils rôdent jour et nuit dans les villes et comme les attentats prennent fin rapidement, tout le monde trouve normal qu’ils restent omniprésent pour éviter des récidives de violences.

     

    Pendant que les carvésoniens agissent pour ramener la paix, Héléna sollicite les cyberniens. Ce sont des êtres qui ont la capacité de s’introduire dans les réseaux informatiques par le biais d’internet.

    Les cyberniens ne mesurent pas plus de cinquante centimètres. La chevelure hirsute, ils sont dotés de trois yeux, dont le troisième se trouve derrière la tête. Leur bouche est immense, leur nez identique à des naseaux de chevaux. Ils ne communiquent que par télépathie, alors s'ils ont un message à transmettre à quelqu’un qui est hermétique à ce mode de communication, ils passent par le biais des ordinateurs.

     

    Héléna fait donc entrer les cyberniens en masse dans les computer où ils peuvent envoyer des doses massives d’images subliminales, d’ultrasons pour conditionner les terriens aux ambitions de la fée. Les premières victimes sont bien sûr les enfants qui peu à peu entraînent leurs parents.

    Grâce aux agissements des cyberniens, de plus en plus de monde ovationne Héléna. Et comme elle sait bien manipuler l'opinion publique ; accentué par la propagande cybernétique ; elle parvient à ses fins, et c'est ainsi qu'elle remporte haut la main les élections présidentielle des États-Unis en cette année 2016. Son plus grand atout, lors de sa campagne, étant bien sûr d'avoir réussis le tour de force de faire taire les attentats dans son pays.

    Mais Héléna n'est pas tout à fait satisfaite, puisque son espérance est d'obtenir le suffrage mondial. Alors elle poursuit sans relâche son offensive.

    Bien déterminée à ce que rien ne vienne se mettre en travers de son chemin, elle mène en parallèle d'autres opérations tout autant insidieuses que les précédentes. Ainsi elle renforce l'action des cyberniens et propose les services de sa milice aux autres pays qui subissent de plus en plus d'attentats au nom de divers groupes extrémistes qui surgissent dont ne sait où. La duplicité d’Héléna n’a pas d’égale et du fait de ses interventions, celle qui s'insurge devant ces actes barbares voit sa célébrité gagner du terrain et les uns après les autres les pays votent pour elle. Après plusieurs mois de ce régime entre campagne publique, vie cybernétique et défense des citoyens, la toile se resserre sur les hommes ; de sorte qu'Héléna prend les commandes du monde entier. Ainsi elle constitue un gouvernement mondial et place des pérathonotes à la tête de chaque pays, pour la seconder.

     

    De nature très charismatique, les pérathonotes mesurent minimum un mètre quatre-vingt-quinze. Leurs points communs à tous, homme comme femme, sont leur chevelure châtain clair, leurs yeux marron bridés et leur teint légèrement hâlé. Ils font l’unanimité chez les êtres humains, qui se pâment devant eux tant ils ont une grande prestance. Héléna passe par eux pour transmettre chacune de ses décisions, ce qui renforce son ascendance. Par leur entremise, elle annonce la surveillance des réseaux sociaux, afin de contrecarrer d'éventuelles résurgences d'actes terroristes. Ainsi, sous le couvert de ce pseudo bouclier protectionniste, elle fait intervenir les cyberniens pour qu'ils contrôlent tous les échanges ; concevant des programmes informatiques, afin de prévenir toutes tentatives d'insurrection. Avec le conditionnement provoqué par l’utilisation du net, les Hommes sont coupés de la réalité et sont convaincus du bien-fondé des actions d'Héléna, d'autant que plus aucun trouble ne vient déranger leur quotidien.

     

    La paix est bien installée…

     

    Toujours par le biais des images subliminales et des ultrasons, les humains sont programmés tels des automates ; de sorte que leurs journées se trouvent être toutes les mêmes, ne différant que par les fonctions de chacun. L'addiction au net est totale, et dès le réveil chacun passe minium dix minutes à surfer sur les sites, ce qui permet aux cyberniens de perfectionner leur œuvre. Les actifs travaillent vingt-cinq heures par semaine sur trois ou six jours selon leurs désirs, et consacrent minimum dix heure hebdomadaire au recyclage des déchets et à la récupération de tout ce qui peut avoir une seconde vie. Les étudiants quant à eux, après le rituel internet, se dirigent vers la ville pour participer au nettoyage des diverses structures, rues, édifices... Certains aident au ménage, d’autres à l’élagage des arbres, d’autres encore œuvrent à repeindre les murs... De huit heures à dix heures du matin, ils s'activent pour le bien de la communauté. Ensuite ils se dirigent vers leur campus pour leur journée de cours. Ils peuvent en fin de journée travailler deux heures de plus dans la ville. Chaque étudiant reçoit entre quatre cents et huit cents dollars par mois, en fonction du temps consacré à la communauté. Les retraités aussi sont amenés à participer à l'économie du pays. Ils travaillent dans les crèches mises gratuitement à disposition des parents dans chaque entreprise. C'est la condition sine-qua-non pour qu'ils perçoivent leur retraite. Ceux d'entre eux qui souhaitent rester plus que le temps imparti sur la structure se voient attribuer une prime mensuelle supplémentaire.

     

    *

    Génard est assez perplexe quant aux actions de la femme-fée qui a amené la paix sur Terre, car tout cela ne participe pas du tout à ses attentes, contrairement à ce qu'elle faisait avant, en provoquant des troubles.

    « Je me demande si je n'ai pas fait une boulette en choisissant Héléna, dit-il à Laïssion circonspect. C'est complètement aberrant ce qu'elle fait. Je ne comprends pas ; s’énerve-t-il. Pourtant les yeux des crapauds m'ont bien dit qu'elle allait nous servir ! Quedal ! Je crois que je vais aller la descendre ; continue-t-il furibond. Cette imbécile est en train de nous rendre les humains heureux et ça va finir pas nous faire disparaître, dit-il mi dédaigneux - mi amer.

    - Tu ne devrais pas t'inquiéter comme cela, lui répond Laïssion sur un ton maternel. À quand remonte la fois où tu t'es trompé dans tes prédictions ? poursuit-elle confiante.

    - Jamais ! répond-il excédé.

    - Alors pourquoi te poser autant de questions, laisse faire, lui dit-elle rassurante.

    - Tu sais bien que le Grand-Tout a déjà interféré dans mes affaires. Imagine qu'il ait recommencé et qu'il m'ait dupé, s’inquiète-il, la mâchoire serrée, près à exploser tant il est de mauvaise humeur.

    - Quand il est intervenu ton grimoire, comme tes voyances t'ont tout révélé, non ? questionne Laïssion continuant à lui parler comme s’il s’agissait d’un enfant.

    - Non justement, tu sais bien que dans la grotte il m’a empêché de tout voir ! Et s’il recommençait ? dit-il accablé. J’aurais fait tout ça pour rien ? C’est une pure perte de temps, s’enrage-t-il.

    - Tu t’énerve pour rien, dit Laïssion d’un ton réconfortant. Même s’il t’a empêché de tout voir ça ne t’as pas empêché d’agir, je me trompe ou pas ? poursuit-elle énergiquement en se rapprochant de lui pour lui caresser les cheveux.

    - Oui j’ai pu agir, admet-il. Pourtant là, je ne vois pas en quoi ce qu'elle fait va nous faire prendre le pouvoir total sur le multivers, elle n'agit plus comme au début, dit-il comme un gosse capricieux, la bouche boudeuse.

    - Tu devrais refaire une voyance pour vérifier, au moins tu sauras à quoi t'en tenir, l’invite-elle en s’étonnant du comportement de Génard. Mais n'oublies pas que c'est une femme et que de ce fait elle fonctionne différemment, explique Laïssion confiante. Je serais toi, je ne me ferais pas de bile du tout.

    - Ouai, ben je vais regarder ça de plus près, parce que ce n'est pas de bon augure pour moi tout ça. » dit le démon pas convaincu du tout.

    Génard file chercher un crapaud dans sa réserve et lui arrache les yeux, qu'il dépose tout frais sur son parchemin en or fin, entouré de cristaux de roche purs, puis il récite sa formule magique d’une voix théâtrale :

    « Par les pouvoirs diaboliques qui me sont conférés moi chef des démons je demande que vérité soit énuméré sur Héléna. »

    Surgit des enfers, des hurlements effrayants sortent du parchemin et en lettres noires s'inscrit le prénom d’ Héléna. Alors Génard poursuit son rituel en jetant les yeux dans une marmite remplit de sang d'hermine et devant lui se déroule le film de l'avenir. Rassuré, le visage détendu, il se retourne vers Laïssion.

    « C'est vraiment étrange, mais tout se passe à la perfection, dit-il serein. D'ici maximum une quinzaine d’années nous allons voir notre pouvoir prendre de plus en plus d'ampleur, annonce-t-il sur un ton monocorde. Vous les femmes, vous êtes vraiment étrange, mais curieusement ça ira plus vite que si c'était moi qui avais agit, finit-il satisfait par sa vision.

    - Tu vois ce que je te disais, se vante-elle. Bon c'est vrai que là on s’ennuie un peu, c'est trop paisible ; poursuit-elle dédaigneuse. Mais je pressens des heures tellement sombres que nous allons faire opulence de noirceurs, conclut-elle ténébreuse.

    - J'ai peut-être trop sous-estimé vos capacités mesdames et cela me donne à réfléchir de me méfier plus de vous encore, convient Génard suspicieux. Ceci dit, je sais que je suis de loin le plus fort ; poursuit-il imbu de lui même ; mais je vais surveiller de plus près vos vices, termine-t-il menaçant le front plissé par le doute.

    - Pourquoi te méfier puisque de toute façon tu es plus machiavélique que quiconque ! » tente de le rassurer Laïssion déstabilisée par le comportement de Génard.

    Des gouttes de sueur coulent le long de son échine et la pâleur la gagne. Elle aurait mieux fait de se taire et le laisser se débrouiller tout seul, pense-t-elle pas tranquille du tout.

    Génard ne répond pas et se détourne d'elle. Discrètement il interroge son parchemin et lorsqu'il jette les yeux de crapaud dans la marmite de sang, ce qu'il voit lui déplaît fortement, mais au moins le voilà prévenu.

     

    *

    Héléna est satisfaite, ayant amené la paix sur l'ensemble de la planète, les humains sont totalement et inconditionnellement fous d'elle. De plus, ils ont de meilleurs revenus, ce qui leur permet de pourvoir à tous leurs besoins. Ainsi, la fée peut mieux détourner leur attention vers la course au matérialisme.

    Génard ne comprend pas trop cette obsession qu'a la fée de voir ses coffres forts s'emplir en monnaies sonnantes et trébuchantes. Il a envie d'en savoir plus, alors, mine de rien, il s'arrange pour participer à ses nombreuses soirées pour se rapprocher d'elle.

    Héléna est subjugué par cet homme au charisme exceptionnel ; si bien qu'elle le fait entrer dans son organisation. Lors d'un entretien où elle s'enquière de l'évolution de son portefeuille, le démon en profite pour lui poser quelques questions auxquelles, elle répond avec orgueil.

    « Tu vois Génard, comme je suis connectée en permanence à mes comptes via ce gadget créé par les cyberniens, je peux voir les flux d'argent entrer et sortir, explique-t-elle pleine de satisfaction.

    - Mais à quoi ça te sers ? demande-t-il septique en la contemplant avec curiosité.

    - C'est simple, j'ai donné un revenu honorable aux humains en échange d'une participation à l'économie de la planète. Avec cet argent qu'ils gagnent, ils peuvent consommer. Plus ils consomment, plus je remplis mes caisses, expose-t-elle fièrement en se pavanant devant lui. Mais ce qu'ils ne savent pas, c'est que leur besoin de consommation compulsive est dû au travail de mes chers cyberniens, dit-elle triomphale. C'est vrai qu'ils ne sont pas dotés d'un super physique ceux-là, mais leur cerveau compense de loin cette défaillance morphologique, termine-t-elle admirative en parlant des cyberniens.

    - Mais pourquoi cette consommation intempestive ? questionne Génard complètement à l’Ouest.

    - Cela n'a rien d'inopportun, car plus leur esprit est tourné vers le matériel, moins ils pensent à autre chose », dévoile-t-elle mystérieuse tout en posant les mains sur ses hanches et en jaugeant le démon comme si elle avait à faire à un élève récalcitrant. « Leurs agissements me permettent de voir l'effet des images subliminales et des ultrasons que nous envoyons via le net. Comme ça, si ça ne suffit pas je renforce le tout par des sorts, révèle-t-elle contente d’elle même. Tu n'as pas remarqué que les terriens ont le regard inexpressif quand ils rentrent dans une boutique ? questionne-t-elle étonnée. Ils ne s’interrogent pas sur ce besoin irrépressible d'aller faire des courses tous les jours à la même heure. Pour eux achat est devenu synonyme de survie et ils sont vraiment persuadés de combler leurs besoins fondamentaux, expose-t-elle mécaniquement. Et tu as vu, pour que le flot soit continue dans les magasins, on programme des horaires différents dans la tête des gens, ça c'est une idée des luzanotes, dit-elle avec fierté.

    - Mais je ne vois vraiment pas en quoi ça te donne du pouvoir, dit le démon complètement largué par les agissements de la fée.

    - Je teste Génard, je teste, répond Héléna tout en dodelinant de la tête avec un sourire pervers collé à ses lèvres.

    - Quoi donc ? Interroge-t-il, haussant les sourcils, de moins en moins convaincu.

    - Mon emprise sur l'espèce humaine. Tu ne vois donc pas que grâce à cela, les êtres du clan de la lumière ne peuvent pas réapparaître ? Tu es crétin ou quoi ? répond-elle en s'adressant à lui comme s'il s'agissait d'un gosse.

    - Ouai, tu es un peu prétentieuse, ce n’est pas en contrôlant la consommation que tu vas garder le pouvoir. Un jour, ils vont bien finir par comprendre qu'ils ne sont que des pantins à tes yeux. Et je ne suis pas convaincu qu'en agissant ainsi tu prendras le dessus sur les sbires du Grand Manitou ! lui lance t-il dédaigneux, sans même relever la façon dont elle lui parle.

    - Dis-donc tu te permets bien des choses toi ! Comment oses-tu ainsi me juger et critiquer ce que je fais ? »

    Héléna ne supporte pas qu'on la reprenne et son regard s'assombrit au fils de la conversation. Elle est limite à mettre Génard dehors tant il l'énerve avec ses remarques outrageantes. Pourtant, elle a bien envie de le moucher, alors elle poursuit ses explications.

    « Tiens viens voir là sur les écrans télé », dit-elle en invitant Génard à la rejoindre devant ses écrans où elle surveille de près l'activité humaine. Le démon s'approche septique et l'écoute donner ses explications. « Regarde, j'ai mis à la tête de chaque enseigne des luzanotes et impossible de les repérer tant ils ressemblent à monsieur tout le monde, de sorte qu'ils peuvent se fondre dans la foule et agir à leur guise sans éveiller les soupçons.

    - Ils font quoi là ? demande-t-il moqueur.

    - C'est simple ils accueillent les humains dès leur entrée dans les magasins et ils les assomment de sorts pour mieux les orienter dans leurs achats, expose la fée tranquillement sans relever le ton taquin du démon. Ah c'est notre jour de chance tu vas comprendre, dit-elle tout excitée par ce qui est entrain de se passer. Tu vois cet humain-là, il est tellement réceptif aux sorts que les cyberniens ont mis en place sur les réseaux, qu'il a pris plus qu'il ne peut se payer. Maintenant observe bien ce qui va se passer. » dit-elle absorbée par ses explications.

    Génard fixe l'écran sur lequel la scène se déroule : un luzanote est en train d'expliquer à l'humain qu'il doit remettre des choses en rayon tout en essayant de contrebalancer les sortilèges des cyberniens. Mais l'homme se met dans une colère noire, tant il est stimulé dans ses besoins d'acquérir à tout prix.

    « Tu vois j'ai remarqué que les bipèdes qui abusent d'internet deviennent un peu trop addict à la consommation, à tel point qu'ils sombrent dans une spirale infernale où seuls la vie sur les réseaux et les achats existent ; explique-t-elle fièrement.. C'est parce que ça met en action des voies neurologiques de satisfaction et ils ne peuvent plus s’en passer. Ils sont accros quoi ; dit-elle caustique. Je t'avoue que de cela, je m'en fou. Limite, ils seraient tous comme ça que ce serait nickel ; mais je m’ennuierai à mourir ; poursuit-elle avec cynisme en fixant Génard. Certes ils ne travaillent pas du coup, mais je préfère les garder dans ce cercle vicieux en leur versant une aide. D'abord parce qu'ils sont sous contrôle et ensuite parce que je peux faire des expériences sur les addictions. Sait-on jamais, ça peut servir un jour ; expose-t-elle en lâchant un rire sardonique. J'ai aussi découvert que l'usage du net les déconnectent de la réalité et les coupes de leur essence originelle. Et tu vois, plus cela arrive et moins le clan de la lumière peut refaire surface ; poursuit-elle toujours aussi emplit de méchanceté. Grâce à l'intervention des cyberniens je peux faire tout un tas d'expérimentations et petit à petit je resserre ma toile sur le clan de la lumière. Si mes calculs sont bons, le fait que les humains ne croient plus en rien, va les affaiblir suffisamment pour que je puisse les anéantir ; conclut-elle pleine de haine. Tiens observe le chariot du type » dit-elle en lui enjoignant de regarder de nouveau l'écran.

     

    Dans le caddie du gars, il y a trois télévisions, six tourne-disques, huit chaînes hi-fi et un nombre impressionnant de DVD, CD et autres dont certains sont en plusieurs exemplaires. Le luzanote qui n'arrive pas à lui seul à contrer les maléfices des cyberniens appelle discrètement du renfort. Avec ses acolytes, ils unissent leurs forces et jettent des sorts pour atténuer ceux des cyberniens. Tout à coup l'homme fixe les luzanotes et devient tout cramoisi. Il regarde dans son chariot et se gratte la tête, interloqué par son contenu. Pourquoi a-t-il acheté autant de choses ? Il ne se rappelle même pas avoir mis tout ça dans son caddie ! Génard qui regarde la scène se tourne vers Héléna, un sourire suffisant accroché aux lèvres :

     

    « Tu vois que ça ne fonctionne pas ton manège. Les ensorcellements sont trop puissants ; et quand les luzanotes sont obligés de les inverser, tes humains reçoive un électrochoc qui les réveillent au lieu de les laisser endormis. Tu es vraiment trop stupide ; lui dit-il sur un ton cassant.

    - Dis donc petit merdeux, le tance t-elle l'air hautain, t'es qui toi pour te permettre ce genre de réflexion ? Rien de plus qu'un humain parmi les humains qui a la chance que je le laisse entrer dans mes petits papiers ! poursuit-elle agressivement. Je te conseille de te la fermer si tu ne veux pas que je te réduise en bouillie, dit-elle avec violence. Observe donc la suite crétin au lieu de faire tes réflexions déplacées qui risquent de te coûter la vie si tu continue comme ça, poursuit-elle d'un air menaçant lui montrant bien que son privilège peut être de courte durée s'il continue à jouer au con.

    - T'énerve pas comme ça ! Je suis vraiment désolé d'avoir offensé son altesse », répond Génard sur un ton obséquieux en faisant la révérence ; tout en se gardant bien de dévoiler sa vraie identité.

    Il est absolument ravi de constater que les incantations qu'il a faites lors du combat dans les grottes aient ainsi portées leurs fruits. Elle ne se souvient même pas de lui. Ceci dit, le moment venu, il lui révélera sa vraie identité ; mais pour l’instant il préfère la laisser croire qu'il n'est qu'un simple humain. En tous les cas il a eu chaud aux fesses, pense-t-il. C'est que la diablesse en herbe est susceptible ! Il va devoir jouer serré et en finesse et ça c'est pas vraiment son truc. En général, Génard fonce plutôt dans le tas. Mais ce qu'il a vu lors de sa voyance dans les yeux des crapauds le conforte de prendre soin de la petite recrue. Aussi mielleusement reprend-il la parole :

    « J'espère que tu me pardonneras. Encore toutes mes excuses pour mon comportement », continue-t-il le regard implorant.

    Ah s'il n'était pas un démon, il pourrait sans problème entrer dans le cinéma comme acteur, se dit-il. Il trouve sa prestation largement à la hauteur des plus grands comédiens. Du reste, les propos d'Héléna lui confirme.

    « Ça ira pour cette fois, mais ne t'avise pas de recommencer, lui dit-elle comme si elle réprimandait un petit enfant en le regardant sévèrement. Tu as de la chance que j'enregistre tout ce qui se passe pour pouvoir faire des débriefings avec mes sbires. Je vais donc te montrer la suite de ce qui s'est passé pour le bonhomme dans le magasin. »

    Joignant le geste à la parole, Héléna reprend le cours de l'enregistrement là où ils l'ont laissé.

     

     « Oh je ne sais pas ce qui m'a pris, je suis vraiment désolé de vous avoir crié dessus comme cela. En plus vous avez raison, je n'ai absolument pas besoin de toutes ces choses », se répand en excuse le client les yeux pleins de questions contradictoires.

    Tout à coup, il se met à transpirer à grosses gouttes et dans sa tête se bousculent plein de pensées sur d'hypothétiques complots. Il recule effrayé en se disant que tout cela n'est pas normal.

     

    Sur les lèvres de Génard, un léger rictus se dessine tandis qu'il regarde la scène ; tout va dans le sens qu'il pense et la femme-fée va bientôt lui rendre ses plus plates excuses pense-t-il. Impatient, il regarde la suite des événements.

     

    « Ne vous inquiétez pas monsieur », répond le luzanote qui tout en lisant dans les pensées de l'humain tente de rattraper le coup pour enlever les soupçons qui émergent dans sa tête. « Vous savez, sans vouloir vous faire peur, je serais vous j'irai voir mon médecin, car vous sembliez être dans un état second. Il est possible que vous ayez eu une sorte d'absence. J'ai même hésité à appeler les pompiers tant vous sembliez mal en point ; » poursuit-il la mine très inquiète et le regard très expressif.

     

    « Ça alors, pense Génard, un concurrent pour le premier rôle de comédien ! Je me demande si je vais pas détourner quelques luzanotes de la cause d'Héléna pour les enrôler. Ça peut servir ces petites bêtes là. » se dit-il tout en se frottant le menton très intéressé.

     

    L'homme qui voit l'expression très inquiète du luzanote se prend à douter de lui même de ses suspicions, se moquant intérieurement de lui. Tout en pensant à cela, il devient tout pâle, s'inquiétant pour sa santé. Le luzanote très prévenant s'empresse de lui présenter une chaise pour qu'il s'assoie.

    «  Vous êtes sûr que cela va aller monsieur ? demande-il innocemment avec suffisamment d'inquiétude dans la voix.

    - Vous avez raison, je me sens tout bizarre en plus je ne me souviens même pas avoir remplis mon chariot. J'étais même à deux doigts de croire que j'étais ensorcelé, continue t-il cramoisi et le regard honteux. Je vous demande pardon d'avoir douté de vous et de vos intentions monsieur et je vais écouter vos conseils. Dès que je rentre à la maison, j'appelle le médecin, annonce le client penaud.

    - Ne vous excusez pas ; ça peut arriver. Et je vous avoue qu'il me serai arrivé la même chose, j'aurais certainement pensé comme vous. Limite si je ne me serai pas cassé la gueule. Faut pas croire, je fais mon travail car je tiens à mon salaire à la fin du mois, mais je suis un sang chaud voyez-vous » ; poursuit le luzanote très convainquant.

     

    Génard qui regarde la scène en reste coi, ce luzanote est carrément bluffant.

    « Un Oscar, dit-il tout haut. Il faut lui discerner un Oscar à ton employé. Il est énorme ! Une véritable prouesse ! Respect madame » dit-il à Héléna en s'inclinant discrètement devant elle.

    Un large sourire de satisfaction se dessine sur la bouche de la femme-fée et sans regarder Génard elle répond :

    «  Écoute donc la suite... » ; dit-elle sur un ton d’autosatisfaction ; et elle appui sur la télécommande pour remettre l'enregistrement en route :

     

    « C'est vrai qu'on dirait pas que vous êtes impulsif. Vous avez bien géré le truc. C'est quand même bizarre ce qui m'arrive, répond le consommateur rassuré par le luzanote.

    - C'est sur, mais avec toutes ces merdes qu'on nous a fait ingurgiter pendant des années c'est possible que ça nous fasses débloquer par moment. Heureusement qu'Héléna a pris les commandes et qu'elle veille sur nous, continue le responsable du magasin très persuasif.

    - Ouai. Au moins, cette nana a les pieds sur terre et pense à notre bien-être. J'aurai jamais cru dire ça un jour mais c'est sur que les femmes gèrent mieux les choses que nous, dit l'homme hilare.

    - Je suis d'accord avec vous. Je trouve qu'en général les femmes sont pas très douées, mais celle-là elle assure, enchaîne le luzanote d’un air entendu. Mais vous êtes encore pâle et ce serait peut-être bien que vous veniez vous poser un peu dans notre local, histoire que vous repreniez totalement vos esprits. Cela m'ennuierais que vous ayez eu un nouveau malaise. Et si vous voulez on peut faire venir votre médecin ici ; qu'en pensez-vous ? termine le luzanote prévenant tout en le conduisant vers la salle de repos.

    - Oh c'est vraiment gentil. » lui répond le client rassuré, se laissant emmener sans broncher.

     

    Génard très impressionné par la prouesse du luzanote n'en reste pas moins circonspect sur la finalité de tout cela. Il regarde, tour à tour l'écran, puis Héléna en se posant moult questions quant à ce que peut apporter ce genre de procédé à son règne.

    « En quoi tout cela peut-il servir tes plans ? Certes les humains sont coupés de leur être profond ; mais ça ne peut pas non plus durer. Tu sais bien que le cerveau est puissant et que de nouvelles connexion se feront pour détourner le problème. C'est le principe de la survie des espèces. C'est vrai que la prestation que nous venons de voir est absolument remarquable ; dit-il admiratif. Pourtant je ne vois pas en quoi cela peut t'amener à terme à éradiquer de façon drastique le clan de la lumière. Et comment tu peux empêcher que ce type ne finisse pas par voir qu'il est manipulé ? demande-il très curieux de ce que la femme-fée va bien pouvoir lui apporter comme arguments.

    - Notre truc est bien rôdé. L'homme a réalisé inconsciemment qu'il se passait quelque chose d'étrange. Alors les luzanotes vont le surveiller quelques temps et nettoyer sa mémoire pour qu'il ne se souvienne que de son dit malaise, argumente Héléna avec félicité. Tu vois, en agissant ainsi on ne me discrédite pas, les humains continuent de me voir comme un modèle de perfection. Je te rappelle quand même que je suis à la tête de tous les pays aujourd'hui grâce à mes actions. Du reste, tu as entendu, aussi bien que moi, les compliments que ce type m'a fait ; termine-t-elle sans aucune modestie.

    - Vraiment, soit je suis totalement dépassé, soit tu es complètement à côté de la plaque. Je ne vois pas en quoi tu vas faire disparaître le clan de la lumière en agissant comme cela, persiste-il dans sa position, avec mépris. En tous les cas, moi j'ai passé plusieurs millénaires à contrôler les humains à l'aide de mes démons et je n'ai jamais agis aussi bizarrement, » dit-il tout en se mordant la langue.

    « Merde, quel con je fais ! Je viens de me dévoiler ! Mais quel crétin ! » pense Génard dépité par sa propre propension à vouloir briller.

    Il regarde Héléna dont les yeux rivés sur lui sont à la fois admiratifs et plein d'interrogation.

    « Ouf à priori, j'ai évité la catastrophe. Elle ne semble pas en colère contre moi. Finalement c'est pas plus mal qu'elle sache ; plus besoin de faire semblant ; » se dit-il intérieurement avant de reprendre :

    « Je peux t'assurer que j'ai toujours obtenu ce que je voulais sans faire toutes ces simagrées et sans que qui que ce soit ne connaisse mon existence. La preuve, même toi tu m'as prise pour un humain, dit-il avec insolence.

    - Il me semblait bien que ta tête me disait quelque chose. Ainsi c'est toi le chef du clan de l'ombre ? demande Héléna plus admirative qu'en colère.

    - Euh du moins ce qu'il en reste, parce que pour le moment j'ai plutôt l'impression que c'est toi qui occupe cette place », lui répond-il sur un ton où frise l'humilité.

    « Ah oui, je suis vraiment bon ! Je devrais vraiment m'enrôler comme acteur, je ferais un carton » pense-t-il très fier de lui et de sa prestation qui laisse Héléna totalement subjuguée.

    « J'ai peut-être été élue dans tous les pays du monde ; mais je n'ai pas remporté le suffrage auprès de tous les êtres magiques. Alors ça reste toi le chef du clan de l'ombre, affirme-t-elle une pointe d’amertume dans la voix. Mais au fait, pourquoi m'as-tu laissé croire que tu étais un humain ? demande-t-elle avec un voile de soupçon dans la voix.

    - Je voulais juste m'assurer que tu n'allais pas trop me faire d'ombre tout en servant la même cause que moi, répond-il avec aplomb. Et ce que j'ai vu me rassure. C'est cool d'avoir quelqu'un qui fait mon travail en partie. J'espère que tu ne m'en veux pas trop ? la questionne-t-il tout en faisant mine de faire amende honorable.

    - Non c'est une façon originale d'infiltrer ses ennemis. Et il faut que tu sois un puissant démon pour avoir réussis à contrer mes sortilèges. Je suis même plutôt flattée que le seigneur des ténèbres ce soit déplacé en personne pour m'observer, dit-elle tout émoustillé par l'intérêt que lui porte le démon. Pour ce qui concerne mon entreprise auprès des Hommes, donnons-nous rendez-vous dans deux mois pour en reparler. Tu verras si ça ne débouche pas sur quelque chose, l’invite Héléna sûre d’elle.

    - D'accord, d'ici là nous nous croiserons sûrement dans quelques soirées mondaines, répond-il content de la tournure des événements. À bientôt Héléna. Et puisque nous sommes entre nous, permets-moi de partir à ma façon. » sans attendre sa réponse il se volatilise vers ses quartiers.

    Héléna reste songeuse, « Ainsi Génard est à la fois inquiet pour son trône tout en me sous-estimant ? Il va bien devoir s'incliner devant mes résultats lors de notre prochaine entrevue, » se dit-elle.

    Alors la fée déchue, dans les semaines qui suivent, renforce les ensorcellements pour que les humains ne vivent qu'au travers de la consommation, qu'ils en oublient tout le reste. Elle prend le monopole de tous les magasins, évince les artisans qu'elle oriente dans ses usines pour qu'ils transmettent leurs savoir-faire, afin de garder la main mise sur l'économie. Elle ne laisse rien au hasard, faisant en sorte que tout ce qui sort de ses manufactures soit aussi ensorcelé. Elle fait même changer l’éclairage de l’Empire State Building, pour que ses couleurs ne reflètent que les moments forts où acheter intensivement et envoyer par la même occasion d’autres images subliminales. Indubitablement Héléna devient la reine de l'achat !

     

    Du haut de son appartement, qu'elle a conservé, ne voulant pas s'installer à la maison blanche, Héléna ; toujours empreinte de jubilation en voyant cette fièvre acheteuse se répandre ; observe les mouvements des Hommes. Pleine de mépris pour le genre humain, elle rit à perdre haleine. Se détournant de ses écrans, Héléna promène ses yeux autour d'elle, admirant son logis qu'elle a réaménagée totalement. L'accès se fait par l’ascenseur où de chaque côté siègent deux gigantesques aquariums ; de dix-huit mètres de long chacun sur un mètre de profondeur et un mètre cinquante de haut ; remplit de pyranas. Un immense salon de cent-vingt mètres carré occupe une bonne partie du rez-de-chaussé. Héléna à fait faire sur mesure un canapé qui comporte un dossier central de quatre-vingt centimètres d'épaisseur et deux assises afin de pouvoir à loisir soit regarder ses pyranas, soit s'adonner à son programme préféré sur son immense écran plasma qui prend toute le surface du mur opposé à l'aquarium. Le canapé est recouvert de peau de Léopard ; animaux qu'elle a fait cloner afin de respecter la biodiversité. Curieusement Héléna a encore quelques soupçons de bonté, et ne voulant pas affecter l'équilibre naturel des choses, tout en refusant une imitation, elle a choisis le clonage pour satisfaire à ses désirs. L'ossature du canapé, comme les autres assises, est faite de bois d'ébène, peint couleur or. Une dizaine de fauteuils épars dans les tons noir et doré sont décimés de manière conviviale autour du canapé, sans obstruer la vue sur les deux façades occupées par l'écran et les aquariums. Sur la droite en entrant, de grandes baies vitrées ; qui donne sur une spacieuse terrasse ; apportent une luminosité exceptionnelle qui permettent aux splendides plantes carnivores de se développer harmonieusement. Sur le mur en face des fenêtres, se trouve la cheminée en marbre noir, tout autant grandiose et un bar en bois d'ébène aussi. De ce même côté, une porte donne accès à sa chambre de soixante mètres carré, comprenant une salle de bain. Une autre porte plus discrète donne sur les toilettes. Le salon est peint en rouge et gris et les murs sont dépourvus de toutes décoration. Un escalier en marbre, non moins gigantesque, dessert l'étage d'une surface de cent-soixante-dix mètres carré qu'Héléna n'a pas encore fait complètement aménagé. On peut y trouver sur la droite, une pièce fermée de soixante mètres carré, composée d'une cuisine américaine avec îlot centrale et d'une grande table de douze mètres de long, autour de laquelle sont disposées les chaises. Les peintures sont noirs et grises ; le mobilier rouge sang et l'électroménager dernier cri couleur inox. Héléna utilise très rarement cette pièce, préférant faire venir des traiteurs ; et ainsi organiser des buffets froids car elle déteste les odeurs de nourriture dans son appartement. Toute à l'admiration de son logement, elle n'entend pas Génard qui arrive sans crier garde ; ce qui ne manque pas de la faire sursauter.

    « Qu'est-ce que tu fais là ? lui demande-t-elle suffoquée par son culot de débarquer ainsi.

    - Eh bien je viens au rendez-vous que nous avions convenu il y a deux mois ; répond-il le plus naïvement du monde.

    - Ah oui c'est vrai, j'avais oublié. Tu aurais pu au moins te faire annoncer. » dit-elle excédée par son air innocent d’arriver ainsi comme un cheveu sur la soupe.

    Héléna le rejoint près du bar et se moquant bien des avis du World Whiskies Awards, elle sert deux verres de Mortlach.

    « C'est le fameux whisky de plus de soixante-dix d'âge dont je t'ai parlé ; explique-t-elle mondaine. J'adooorre ce whisky, roucoule-t-elle et elle ajoute rocambolesque : Pour être sûre de ne pas être à court, j'ai fait réquisitionner toutes les bouteilles restantes.

    - Je te trouve bien rétrograde Héléna, lui répond Génard avec morgue. Il a été supplanté par d'autres whiskys depuis longtemps ton breuvage, dit-il avec condescendance. Et en plus, il paraît que tu as fait détruire toutes les distilleries. Pourquoi as tu fais ça ? C'est stupide, affirme-t-il en la toisant de haut avec mépris.

    - Absolument pas ! réplique-t-elle, en manquant de s’étrangler face au toupet du démon. Il reste celles d'Écosse, affirme-t-elle vexée.

    - Justement ! Et les autres alors ? Elles faisaient aussi de bons whiskys. Elles aussi gagnaient souvent des médailles d'or de par leur cru ; argumente-il dépité par les comportements de la fée. Les humains sont maître dans l'art de la fabrication des spiritueux et bien d'autres choses encore. Et toi, tu te permets sans même t'y connaître de tout saboter ! rétorque-t-il peu enclin à abonder dans son sens.

    - Un whisky, un vrai, ne peut être qu'écossais, grogne Héléna atteinte dans son orgueil. Il n'y a rien à ajouter, conteste Héléna boudeuse.

    - C'est bien ce que je dis, tu es rétrograde, réplique Génard avec un rire cynique.

    - Rétrograde pour rétrograde ce whisky sera servi sans glaçon ! Même si je sais que tu le préfères « on the rock ». Cela serait un sacrilège cher monsieur, vous en conviendrez, de massacrer ainsi ce breuvage. Tu peux bien rire, je m'en moque totalement. » dit-elle agacée par le comportement du démon.

    Héléna admire longuement la couleur ambrée du whisky, le fait tourner délicatement dans son verre, en aspirant les effluves qui en sortent. Elle en goûte une gorgée, fait claquer sa langue de plaisir, puis ajoute :

    « C'est une pure merveille ! Tiens trinquons à ma réussite », dit-elle en tendant le verre de Mortlach à Génard. Puis lui tournant le dos, elle se dirige vers la cheminée où se tient majestueusement une vieille boîte en bois. Cérémonieusement elle l'ouvre et en prend deux bons Havane.

    « Ils sont exclusivement fait à la main. Ce sont à mon avis les meilleurs du monde, affirme Héléna avec passion.

    - Idem tu as tout détruis. Aucun autre fabricant de tabac hormis les Havanes, lui fait remarquer Génard dépité.

    - C'est vrai mais j'ai mes raisons, admoneste-elle ; voulant mettre en garde Génard quant à ses attitudes irrespectueuses. Je ne veux pas que les humains soient atteints de maladies dues aux méfaits du tabac. J'ai mené une grande campagne de désintoxication avec l'aide des mésanoles, explique-t-elle fièrement. Je suis donc la seule à posséder ces quelques délices ; que je consomme tout de même avec modération ; précise-t-elle avant que le démon ne lui lance encore une sale réflexion. Même si la maladie ne peut pas m'atteindre, je ne veux pas devenir addict, termine-t-elle avec dédain.

    - Pourquoi ne leur laisses-tu pas ces petits plaisirs ? Tu les prive de tout là. C'est du délire ! Plus de maladies, plus d'addictions, plu des souffrances ! demande le démon méprisant.

    - Oui Génard, je les prive de beaucoup de choses, affirme Héléna pleine de pitié envers le démon qui ni entend rien dans ses stratagèmes. Toutefois les humains sont ravis. C'est ce qui est le plus étonnant. Pour eux, je les ai libérés d'un fléau ; exulte-elle en buvant une gorgée de son whisky. Et puis, la maladie ne remplit pas mes coffres forts et je n'ai que faire des expériences réalisées dans les laboratoires pour asservir les hommes, expose-t-elle avec agacement. J'ai bien d'autres moyens pour prendre le pouvoir que de les rendre malade, dit-elle avec délectation. Je trouve ça plus drôle de les manipuler pour éteindre la magie sur Terre. Et je ne suis pas là pour te servir non plus, alors je prends le monopole comme je l’entends. » bougonne-t-elle, très affectée par les propos de ce type.

    Sur ces mots Héléna hume son cigare puis l'ouvre amoureusement.

    « Un ou deux millimètres pas plus. Juste dans la courbe du bout », dit-elle à voix haute.

    Génard ne sait si elle s'adresse à lui, ou si elle se répète la leçon pour elle-même. Il observe Héléna accomplir son rituel. Elle prend des allumettes puis allume son cigare en veillant à ce que toute la surface soit bien incandescente. Satisfaite, elle joue avec la fumée, la laissant parcourir son palais, la faisant glisser sous sa langue avant de la rejeter voluptueusement par petits bouquets. Son petit cérémoniel terminé, elle boit une gorgée de son Mortlach puis tend à Génard le cigare qu'elle lui a réservé.

    « En temps normal je ne suis pas fan des femmes qui fument le cigare, je trouve cela même plutôt vulgaire. Mais toi, tu y mets tant de dévotion et de sensualité que tu damnerais tous les démons s'ils n'étaient pas déjà en enfer, concède-t-il aguiché par l’attitude de la fée.

    - Mmm, tu sais parler aux femmes toi ! répond-elle émoustillée par ces propos.

    - Ce n'est pas un compliment, juste un constat, affirme-t-il agacé par sa propre réaction.

    - Raison de plus, c'est très flatteur et ça prouve que quel que soit la situation je sais donner le change », lui répond-elle en le regardant droit dans les yeux, avant de lui faire une longue diatribe au sujet des humains. « Regarde les bipèdes, même eux se font avoir sur mes réelles motivations. Je m'attendais à de la résistance. Je pensais que nous allions avoir du fils à retordre dans ma prise de pouvoir. Rien ! Je les ai totalement hypnotisés. Ils ont gobé tout ce que je disais lors de mes campagnes présidentielles, énonce-t-elle avec arrogance. Ils ont accepté toutes mes réformes, sans riposter. Aucune résistance contre les sorts, ni de rébellion quant à la participation aux tâches hors temps de travail, ni sur la suppression des alcools et cigarettes. Loin de là, ils sont ravis. Ils ne voient même pas que leur nid est rempli de choses dont ils ne se servent même pas. Je les télécommande à distance et j'en fais ce que je veux. Regarde-les, poursuit-elle dédaigneuse. C'est vraiment une sous race. Je pensais m'amuser plus que ça, mais ce ne sont que de vulgaires animaux rien de plus. Je n'ai même pas eut à combattre les êtres du clan de la lumière. Ils se sont volatilisés en quelques fractions de secondes, laissant les humains à leur triste sort. Des lâches ! Ils se disent là pour aider mais au moindre coup de Trafalgar, ils disparaissent sans aucune résistance, termine-t-elle à bout de souffle tant elle a débité son flot de parole presqu'en apnée.

    - Héléna ne sous-estimes pas les Hommes, l’a prévient Génard. Ils tâtonnent sur certains points certes, mais ils ont réellement bien évolués. Tu sais bien qu'instaurer un climat de peur les empêche de penser et de voir la vérité, or toi tu les plonge dans le bien-être. À terme, ils ne peuvent que se soulever contre toi, parce que justement, leur évolution va aller encore plus vite ; explique-t-il le visage grave. Quant aux êtres de lumières méfient toi, ils peuvent être en train de préparer un sale coup contre nous, la met-il en garde.

    - Les terriens ne sont pas capables de réfléchir par eux-mêmes, affirme-t-elle hautaine. Ils ne voient pas, que depuis le début nous les menons à la baguette. Il suffit juste de leur faire croire que nous agissons pour leur intérêt et le tour est joué ; affirme-t-elle avec outrecuidance, un sourire niais aux lèvres. Obtenir le pouvoir n'est-ce pas ce que nous recherchons ? J'ai réussi à les persuader que je suis celle qu'ils attendaient. N'est-ce pas merveilleux ? interroge-t-elle plus pour elle-même que pour Génard, tellement elle est sûre de son pouvoir.

    - Certes ils sont tous à ta botte, parce que tu leur as donné ce dont la majorité rêvait. Mais tente de changer la moindre chose et tu verras, l’avise-t-il inquiet.

    - Génard es-tu aveugle ? Ne vois-tu donc pas que j'ai tout sous contrôle ? Ils sont ensorcelés H 24 et aucun encore, n'a pu se soustraire à mes sortilèges. Et je n'en suis qu'à mes débuts. Maintenant que je suis à la tête du monde, je vais passer à la vitesse supérieure. » rétorque t-elle dédaigneuse.

    Héléna est très fière d'elle et de ses faits et gestes ; même les hommes de pouvoir se sont rangés de son côté. Tous les peuples sans exception l'ont acclamé, parce qu'elle leur a redonné leur dignité où chacun peut vivre en comblant tous les besoins. Il n'y a plus un pays qui connaît la famine, la guerre... La femme fée ne doute de rien et ne recule devant rien pour atteindre son objectif principal qui est d'écraser Capucine. Génard malgré tout, la met en garde une fois de plus.

    « Héléna gaffes toi. Ne sois pas trop imbue de ta personne. Les Humains ont de réelles capacités, ils sont capables de grands soulèvements, lui explique-t-il d’un ton prévenant. Tu devrais un peu te pencher sur l'histoire des Hommes. Tes pouvoirs seront inutiles devant leur volonté de retrouver leur liberté. Tu ne pourras pas empêcher leur évolution. Sois vigilante, l’alerte-t-il sévère.

    - On dirait que tu les défends Génard ! Tu es vraiment curieux. Désolée si mes méthodes ne te conviennent pas, en tous les cas elles marchent très bien pour évincer les êtres de lumière ; persiste-t-elle complètement hermétique aux propos du démon.

    - Non, je ne prends pas leur défense. Je sais juste ce dont ils sont capables, admoneste-il agacé par l’entêtement de la fée. Assure tes arrières, parce que même tes ennemis jurés pourraient revenir en force si les cinq arrivent à voir le jour. » Sur ces mots sibyllins pour Héléna, il se volatilise.

    Pensive un rictus cynique aux lèvres, la fée regarde sur son écran le flot des humains qui remplissent les magasins et qui en ressortent les mains pleines.

    « Mon emprise se répand sur toute la Terre. J'ai placé des luzanotes et des cyberniens sur chaque continent. Certes il reste bien de-ci-delà quelques réfractaires à internet mais cela n’est pas inquiétant. Génard est une vraie mauviette et j'ai bien l'intention de poursuivre sur ma lancée ! » pense-t-elle.

     

    Héléna qui a une longue vie devant elle, compte bien profiter le plus longtemps possible de son règne, aussi s’emploie-t-elle avec l’aide des meilleurs chercheurs du monde à intensifier les actions de protection de la planète. Grâce à sa magie et celle de ses acolytes, toutes les machines et infrastructures polluantes sont remplacées par d'autres ne fonctionnant qu'avec les ressources naturelles. Le réseau de transports en commun est développé et parallèlement l’usage des véhicules personnels est interdit.

    Si, au début, les humains ont tiqué devant la suppression de leurs moyens de locomotions, tous voués à la démolition et au recyclage, la compensation par le développement d'un réseau gratuit et pratique les a vite réconcilié avec cette réforme.

    Continuant sa trajectoire, la femme-fée s'occupe de restituer à la terre comme aux Hommes, une bonne santé. Tous les sites à risque sont réhabilités grâce à la magie des êtres au service d’Héléna. Les humains doivent, quant à eux, consacrer minimum une semaine de leurs vacances pour participer au nettoyage des déchetteries sauvages, des plages et autres lieux pollués.

    Des sites comme le lac de Baïkal, la presqu'île de Kola en Russie, le lac Ourmia en Iran, sont totalement réhabilités. D'autres lieux dans le monde sont aussi dépollués comme certaines régions de l'Arctique canadien, de Finlande... où les cours d'eau contenaient des quantités de plomb excessives, ou comme le village de Salsigne en France dont le taux d'Arsenic était encore très élevé à cause de l'exploitation de l'ancienne mine d'or aujourd'hui désaffectée... Les pluies acides, le trou dans la couche d'ozone, les déchets radioactifs… toutes les sources de pollution de la planète sont ainsi éradiquées. Le Japon qui avait subi de graves sinistres suite au tremblement de terre puis au tsunami est aussi purifié. Toutes les constructions qui sont dans le non-respect de l’environnement sont détruites ; remplacées par des habitations saines comme les tiny-house.

    Beaucoup d'hommes sont heureux de participer à ce grand programme, qui loin de desservir Héléna renforce l'engouement qu'ils ont pour elle.

    Il fait bon vivre sur Terre.

    L'air est sain, tout est parfait.

     

    Héléna, poursuivant sur sa lancée, donne un jour de congé mondial pour remercier tout le monde pour la participation active au sauvetage de l’environnement. À cette annonce des cris de joie fusent de partout. Les gens se réunissent, jouent de la musique, fêtent la providence qui leur a mit Héléna sur leur chemin. Celle-ci profite de cette journée pour faire une allocution publique qui est diffusée sur des écrans géants placés à divers endroits de la planète.

    « Chers citoyens; il reste encore beaucoup à faire, mais je suis heureuse de tout le travail que nous avons accompli. Je souhaite vous annoncer nos deux prochaines grandes actions, annonce-t-elle avec déférence. La première sera de verser un revenu de base pour tous. Il est important, à mon sens, que tout le monde puisse vivre décemment. La deuxième étape qui se mènera en fait simultanément sera de lutter contre la surpopulation, expose-t-elle résolument. J'attends de vous chers citoyens, que vous ayez une démarche positive et que vous soyez coopératifs. Il est essentiel que nous réduisions la population mondiale afin de préserver notre environnement, continue-t-elle persuasive. Par ailleurs, avec mon équipe nous avons œuvré ces derniers mois pour la mise en place d'un système médical totalement gratuit, en nous inspirant de l'ancien système espagnol. Nous avançons étape par étape et d'autres actions seront menées pour le bien-être de chacun et la cohésion de notre organisation, explique-t-elle patriotique. Nous vous informerons au fur et à mesure de l'avancée des projets. En attendant je vous souhaite à tous de bien profiter de cette belle journée. » termine Héléna joyeusement.

    La foule en délire l’acclame. Quel bonheur. Tout est si simple avec elle. Enfin les choses se mettent en place.

    Dès le lendemain, les cyberniens entrent en action au travers du net pour programmer les humains sur l'acceptation totale du contrôle des naissances. De plus, sur les lieux de travail, des réunions de sensibilisation sur le problème qu'est la surpopulation et la nécessité absolue de réduire le taux des naissances sont organisées. Des documentaires y sont diffusés pour montrer les effets néfastes que peuvent avoir et ont déjà eu dans certains pays un tel fléau.

    Les humains, convaincus, se plient sans problème aux visites médicales obligatoires et en profitent pour faire la connaissance de leur nouveau médecin qui leur est attribué en fonction de leur lieu d'habitation. Les mésanoles, suivant les ordres d'Héléna, surveillent l'évolution des enfants et activent un sort de stérilité sur chaque individu quel que soit son âge.

     

    Deux choses permettent de distinguer les mésanoles ; qui sont aussi des êtres magiques à la solde d'Héléna ; leur taille : ils mesurent tous exactement un mètre quatre-vingt et deux millimètres et la forme en olive de leur crâne qui immanquablement est chauve. On ne sait d'où vient le premier spécimen de leur espèce, car ils ne se reproduisent que par duplication et sont asexués. Leur espérance de vie est de maximum quarante-ans et dès que l'un d'eux meurt, il se duplique automatiquement en un jeune individus de vingt-ans. Ils ne connaissent pas le stade de l'enfance et lors de la duplication, ils possèdent directement les savoirs de leur ancêtre.

     

    Les mésanoles reçoivent les humains une fois par mois, depuis leur naissance jusqu'à leur mort. Leur savoir et leurs pouvoirs magiques leur permettent de réduire le taux des maladies de près de quatre-vingt-deux pour cent.

    Encore une fois les humains acclament la femme-fée qui miraculeusement est parvenue à leur donner une bonne santé, en plus de toutes les choses qu'elle a mises en place sur la planète bleue.

    Pendant les visites médicales, les mésanoles font une batterie de tests afin de mesurer les capacités des humains et leurs potentialités à résister contre les sorts. En fonction des résultats le sort de stérilité est levé chez les humains qui sont définis comme sans risques, les autres reçoivent la mauvaise nouvelle qu'ils sont dans l’incapacité d’avoir des enfants.

     

    Héléna a la main mise sur la quasi-totalité des humains. Seuls les nomades et les nécessiteux restent à assujettir. Puisqu'ils n'étaient pas soumis aux divers sortilèges et endoctrinements, elle a préféré les éloigner des villes tout en les faisant surveiller. Comme ils sont encore trop nombreux pour être réhabilités, le mieux pour elle était de prévoir d’autres actions, car dans les villes ils pourraient ramener les hommes à la réalité.

     

    *

    Ces gens non conditionnés se regroupent dans les campagnes ou dans les forêts, se construisant de petits chalets pour y habiter. Ils vivent de la cueillette et commencent à cultiver la terre pour pouvoir se nourrir. Régulièrement, ils se réunissent et s’interrogent sur ce qui est en train de se passer sur Terre. Même s’ils voient les bienfaits apportés à la planète, ils constatent que leurs congénères ont perdu toute liberté. Ils restent tout de même vigilants, car ils connaissent l’existence des carvésoniens et n’ont aucune envie d’être pulvérisés par eux. Héléna qui veille sur tout, voyant leurs agissements, décide d'envoyer des luzanotes auprès d'eux pour les contenir. Comme leurs sorts sont nettement moins puissants en dehors des villes, ils doivent faire appel à d'autres êtres magiques pour les aider. Ils permettent donc à ces groupes nouvellement constitués d'entrer en contact les zopins et les pénotariniens.

     

    Les zopins sont des cousins éloignés des Lutins. C'est leur corpulence plutôt rondouillarde et leurs doigts courts et épais qui les différencient des lutins. Ils mesurent entre trente et quarante centimètres et ont de grandes oreilles pointues. En terme d'humeur contrairement aux lutins, ils sont de nature taciturne et aiment jouer des mauvais tours aux humains, c’est pourquoi ils n’ont pas hésité à prêter main forte aux luzanotes. Eux, qui habituellement ne se promènent que tout nu, ont accepté de revêtir la fameuse tenue des lutins pour que la confusion soit la plus totale : pantalon vert et étroit, chaussures longues et pointues, grand bonnet rouge tout autant pointu que les chaussures.

    Quant aux pénotariniens ils peuvent se fondre dans le paysage ou recouvrir l’apparence des elfes ou des gobelins pendant quelques dizaines de minutes. Ils mesurent entre cinquante et soixante centimètres, ont un énorme nez rond qui prend presque toute la place sur leur visage. Leurs yeux sont tout petits, triangulaires, noirs pétrole ; leur bouche est grande avec des lèvres très minces. Ils sont complètement disproportionnés : petites jambes, très long buste, bras qui pendent à terre. Les pénotariniens sont souvent très grincheux ne rigolant qu’au souvenir des mauvaises actions qu’ils font à longueur de journée ; alors se faire passer pour des êtres gentils n’est pas simple pour eux.

     

    La mission des zopins et des pénotariniens est donc d’apparaître de temps à autres auprès des gens qui ont fui la ville et de leur raconter des histoires dans l'objectif de leur faire croire qu’ils sont des humains différents des autres.

    « Il est essentiel que vous restiez éloignés des villes. Héléna ne doit pas vous endoctriner ! Restez positifs, ainsi vos pensées aideront à libérer vos congénères du joug de cette femme-fée. Vous êtes détenteurs de grands secrets et vous pouvez sauver le monde grâce à vos connexions. Nous agirons le moment venu, mais avant il nous faut trouver du renfort, car nous ne sommes pas assez nombreux. Soyez assurés de notre coopération. » disent-ils avec conviction.

    Ainsi ces « élus » accompagnés par les zopins et les luzanotes consacrent leurs journées aux jeux, au travail de la terre, à la récolte de diverses plantes alimentaires ou médicinales, qu’ils redécouvrent avec l’aide de ces êtres magiques. Matins et soirs, ils prient et envoient des pensées positives aux autres humains. À la nuit tombée, devant un feu de bois, dans une petite clairière, ils se réunissent. Là ils écoutent les êtres magiques les abreuver de compliments.

    « Vous agissez à la perfection. Grâce à vous nous allons réussir à contacter les autres êtres magiques et évincer Héléna. » expliquent-ils avec emphase.

    Ces discours sont pour ces humains une véritable fontaine de jouvence. Ils sont fiers d'avoir échappé aux plans d'Héléna et sont persuadés qu'ils parviendront à libérer les humains. Certes leurs intentions sont bonnes, pourtant ils ne voient pas que les outils mis à leur disposition servent avant tout la cause d’Héléna. Ils souhaitent tellement bien faire qu'ils ne voient pas à quel point ils sont manipulés.

     

    Les êtres du clan de la lumière sont bien désolés de voir qu'ils ne peuvent pas atteindre ces Hommes. Ils espéraient qu'au travers d'eux ils pourraient inverser le processus mit en place par la fée déchue. Mais une fois de plus celle-ci a rondement mené sa barque.

     

    *

    « Quel jeu d’enfant de les embobiner ceux-là. Les humains sont tellement prévisibles. » pense Héléna avec un sourire sarcastique. « Quelques rituels à accomplir tous les jours, des dons de télépathe donnés à certains d’entre eux et hop le tour est joué. Finalement Génard s’inquiète bien pour rien ! » se gausse-t-elle ravie de sa réussite.

     

    Héléna voit son œuvre prendre forme. Elle a réussi à avoir une totale emprise sur les Hommes. Sa volonté de faire disparaître les êtres de lumière de la Terre est réalisée. Elle a bien sûr eut quelques craintes quant à ces humains non programmés. Mais au final quelques paillettes et artifices avaient suffi à les leurrer.

    Un verre de Mortlach dans une main, un cigare dans l'autre, Héléna s'installe sur son divan. Elle allume son écran et le met en version multiple pour pouvoir regarder l'activité humaine au travers le monde. Afin de profiter au maximum de son whisky et de son cigare elle coupe le son, laissant son regard se promener d'image en image. Son plaisir est à son comble. Son verre à peine fini, elle se sert une autre rasade. Elle ne garde ce whisky que pour les grandes occasions, là en l’occurrence l'occasion est de taille ! Génard a beau dire, tout tourne comme une petite horloge bien réglée. Elle repense à ses conversations qu'elle a eut avec lui et ne peux s’empêcher de ressentir une gêne qu’elle n’arrive pas à cerner. Elle sent que quelque part dans les méandres de son cerveau, une information qui la titille se cache. Elle a bon se creuser la tête, rien ne remonte. Elle s’agace contre elle-même :

    « Certainement une broutille de plus qu’il m’a dite et qui m’a sorti de mes gongs. Ce sale type à le chic pour ça ! Je suis trop susceptible quand il s’agit de lui. Franchement, je ferais mieux de me relaxer au lieu de gamberger comme ça » se dit-elle tout en chassant ses pensées de la main.

    Tout en sirotant son verre, Héléna jette un œil sur les écrans ; elle s’allonge confortablement sur son canapé et regarde le spectacle en se moquant d’elle même : tout va pour le mieux et quoi qu’ai pu lui dire ce stupide démon, ça ne doit pas être aussi important que ça ! Le regard vague, elle fixe sans les voir les écrans se laissant aller à la détente ; quand tout a coup elle se lève brusquement, s’éclaboussant avec le reste de whisky de son verre. Elle n’y prête même pas attention tant elle fulmine intérieurement.

    «  C’est donc ça qui me tarabuste depuis si longtemps ! Les cinq ! Mais de quoi s’agit-il ? Il m’a lâché cette info et c’est barré comme un scélérat, s’enrage-t-elle. C’est peut-être rien ou une bombe qu’il me garde au chaud pour plus tard. Il me faut en savoir plus », pense-t-elle intriguée.

     

    Aussitôt elle envoie quelques luzanotes en quête d'informations. Mais tout le monde revient bredouille.

    « Quelle bande de bon à rien. Il faut tout se farcir ici » se dit-elle.

    Énervée elle se sert un autre verre de Mortlach et l’avale d'une traite ; puis elle part trouver Génard dans son antre. Mais les patolitotes qui gardent l'entrée, lui interdisent l'accès au motif que Génard est en réunion privée et qu'il ne veut être dérangé sous aucun prétexte. Malgré son insistance, les patolitotes ne fléchissent pas d'un pouce. Les ordres de Génard sont incontournables. Quant à eux, ils ne veulent pas subir de représailles en désobéissant.

    « Mais enfin vous ne me reconnaissez donc pas ! Génard ne saurait me refuser un entretien ! » leur dit-elle consternée.

    Devant la détermination des gardes, elle est obligée de renoncer à sa requête, se promettant à l'occasion d'interroger Génard sur les cinq.

     

    De retour dans son logement Héléna supervise le travail de chacun au travers de ses écrans. Comme tout est parfait elle délaisse son programme favori pour se faire couler un bain, dans son immense baignoire d'or. Elle allume quelque bougie, préférant un éclairage légèrement tamisé. Sa salle de bain est à l'image du reste de son appartement : les murs sont peints en noir et gris argent ; le long de trois d'entre-eux siègent des aquariums remplit de méduses ; le plafond quant à lui d'une surface de soixante mètre carré, chambre comprise, est orné d'un autre aquarium où évolue quelques petites roussette, une race de requin qui ne mesure pas plus de soixante centimètre à l'âge adulte.

    Une fois son bain prêt, Héléna y plonge avec satisfaction ; elle se repaît dans cet écrin d'or, telle une déesse, en regardant les flammes des bougies danser autour d'elle, quand une idée lumineuse lui traverse la tête : Organiser une grande réception à la hauteur de son règne pour fêter sa réussite.

    L'idée l'a à peine effleuré qu'elle saute hors du bain et met immédiatement en branle ses sbires pour que tout soit préparé au plus vite. Héléna ne se prend pas pour la queue d'une cerise, tout doit être instantané à partir du moment où elle a décidé quelque chose. Aussitôt dit, aussitôt fait, et la magie l'aide toujours dans ses entreprises. Depuis le temps qu'elle est au pouvoir, elle le mérite bien. Ses résultats sont plus que probants quant à ses projets ambitieux de tenir le monde entre ses mains. Alors la fête aura lieu le surlendemain, pas un autre jour !

    Pour cette occasion elle pose son dévolu sur Las Vegas afin d'y réunir tous ses serviteurs. Héléna adore cette « capital » du jeu. Tout est démesuré que ce soit les spectacles, les hôtels, les casinos qui sont concentrés sur à peine quelques kilomètres. Les lieux sont restés à l'identique d'avant son règne, car elle adore ce côté luxueux, argenté ; les spectacles, les machines à sous ; ses architectures variées qui reproduisent pour certaines des villes de différents pays. Elle jubile de voir les humains y dépenser leur argent à outrance.

    Pour ses agapes elle réquisitionne le Venetian. Le fameux hôtel-casino où l'on se retrouve plongé dans l'univers de Venise. Héléna malgré son aversion pour les humains apprécie leur créativité : les répliques des œuvres et monuments italiens sont magnifiquement bien fait. Du reste, chaque reproduction des villes est toujours grandiose ; comme le casino qui a choisi le thème de la ville de Paris.

    Elle décide aussi d'organiser un grand spectacle où mégalomanie oblige, elle en est l'héroïne. Elle se voit déjà, la démarche chaloupée ; dans une magnifique robe rouge vif, très ouverte sur le devant, jusqu'à mi-cuisse ; perchée sur de hauts talons rouge vif ; un magnifique collier de perles suspendu à son cou et un sublime boa de plumes blanches négligemment posé sur ses épaules ; recevoir un tonnerre d'applaudissement. Oui pour cette soirée elle aura deux robes sublimes, car elle le vaut bien. Une pour sa représentation, l'autre pour briller devant ses convives.

    Tout le monde est sur le pied de guerre. Pas le temps de dormir ni de se poser une seule seconde. Les heures s'égrènent à une vitesse vertigineuse, mais tout est prêt à temps pour les festivités qu'Héléna ouvre dans la salle de spectacles qu'elle a fait faire sur mesure. Elle offre un show de grande ampleur, haut en couleur, se mettant en scène, telle la sauveuse du monde. Exigeant le concours de Céline Dion ; elle l'ensorcelle pour s'assurer sa présence sans contestations ; et profiter de sa renommée, pour être, elle-même, encore plus adulée. Elle donne à la chanteuse un répertoire de chansons qu'elle a fait écrire pour la comédie musicale ; et pour que Céline Dion ne commette pas d'impair, elle lui jette un sort de plus, afin qu'elle retienne les paroles instantanément. Le spectacle procure les effets escomptés. Héléna est au milieu d’une troupe de danseurs faisant la rétrospective de son règne et des bienfaits qu’elle a apporté. Elle fait sensation dans sa robe rouge et la foule endoctrinée applaudit de toute ses forces.

    Après le show, elle offre mille mets plus délicats les uns que les autres à ses convives. Toutes les cultures sont représentées, car Héléna, qui goûte au plaisir terrestre, apprécie la diversité des cuisines provenant de chaque pays. Aussi a-t-elle recruté pour cette soirée des traiteurs de tous les continents. Les tables sont remplies à profusions de plats variés et il y en a pour tous les goûts. Héléna ce soir veut que ces festivités soient à la hauteur de son règne.

    Elle porte pour l'occasion sa deuxième tenue : une somptueuse robe Tulipe noire, épousant ses formes presque squelettiques, qui s'évase à mi- mollet, fendue sur le côté. La robe est sertie de diamants délicats en bas des manches, autour du cou et à la taille ; simulant ainsi parure de bijoux et ceinture raffinée. Elle a chaussé de sublimes escarpins noirs, finement taillés et biseautés dans un cuir fin et délicat, qui remontent légèrement jusqu'au niveau du tendon d'Achille, avec à leur sommet les mêmes diamants que sur la robe. Sa coiffure est tout aussi grandiose, un travail de maître : chignon savamment sauvage où quelques diamants épars recouvre sa tête de manière harmonieuse. Presque pour une fois, depuis sa transformation, on pourrait la caractériser de belle femme, tant sa toilette, sa coiffure, son maquillage sont d'une qualité rare et minutieuse. Comme d'habitude elle ne s'est rien refusée. Elle a fait appel aux plus grands artistes en la matière. Pour fêter son règne, elle veut briller de mille feux. Elle veut qu'on la voit dans sa toute puissance, dans sa toute richesse, dans sa toute magnificence. Dans un élan grandiloquent, Héléna profite de la soirée et de son panache pour proclamer la journée du lendemain férié. Toutes les télévisions diffusent en direct cette grande fête où elle annonce à tous les peuples que le jour suivant en plus d'être un jour férié sera un jour de festivités à ses frais. Autant dire que cette nouvelle est accueillie dans la liesse générale. Oui franchement, quelle belle idée que de l'avoir élue !

    Après cette annonce, Héléna congédie tous les journalistes et reporters, ainsi que les invités, afin de rester en comité restreint avec ses hommes de mains ; mettant ainsi un terme aux émissions qui rediffusaient l’événement en direct. Une fois tout le monde parti, la fée déchue fait un long discours sur ses exploits. Elle remercie et félicite tous les êtres qui l’aident dans son entreprise. Elle est ravie. Les années défilent sur un rythme de croisière. Peu de choses viennent entraver ses directives. Les adultes se regroupent autour d’Héléna pour l'écouter et discuter des futurs plans à mettre en place. Elle est sans conteste le seul maître à bord. Elle s'écoute parler avec délectation, narcissique jusqu'au bout des ongles ; quand les enfants qui jouent un peu plus loin, l'importune en faisant un tintamarre pas possible.

    « Que l'on fasse taire ces gosses ! On ne s'entend plus ici, crie Héléna. Ce n’est quand même pas possible ! Si ça continue je vais aussi mettre en place des cours de maintien pour vos enfants. » Ajoute-t-elle menaçante en s'adressant à l'assistance.

    Une vague de frisson gagne ses disciples, car chacun sait ce que signifient ces dits cours. Héléna est aussi impitoyable qu'un rottweiler dressé pour tuer, et l'analogie n'est pas anodine quand on sait qu'elles sont les réelles origines de cette femme-fée... Elle désigne deux carvésoniens, leur ordonnant d'aller faire cesser séance tenante le brouhaha.

    « Emmenez les dans une autre salle et restez en faction devant la porte pour qu'ils ne nous dérangent pas jusqu'à la fin du meeting. » dit-elle sur un ton rogue.

    Les enfants, craintifs, obtempèrent bien vite et suivent docilement les carvésoniens vers la pièce qui leur est réservée. Même eux qui pourtant sont des enfants libres, craignent ces êtres incorruptibles et inflexibles. Ils s'installent donc tranquillement tout en se demandant comment s'occuper.

    « Si on jouait au cochon pendu, dit un enfant d’humains dont les parents sont à la solde d’Héléna.

    - C'est quoi ce jeu ? demande un petit luzanote intrigué.

    - Il faut faire deviner des mots aux autres, répond un autre enfant humain d’un air entendu.

    - Facile ! On a qu'à lire dans tes pensées », dit un jeune carvésonien moqueur.

    - Ben, je ne vois pas trop l'intérêt de jouer alors, intervient un autre petit d’homme méprisant. Bon faut savoir si vous voulez rester à vous ennuyer ou si on trouve des occupations à peu près calmes ; dit-il sévère.

    - OK, on coupe les connexions alors. Vas y montre nous comment on joue. » concède un luzanote qui n’a pas envie de finir en bouillie.

    Ainsi les enfants s'occupent le plus silencieusement possible veillant à ne pas attirer l'attention des carvésoniens. Le jeu les captive un bon moment, leur faisant oublier la présence des gardes devant la porte. À cours d'idée un des enfants tente de faire découvrir le prénom d’Héléna. Ce qui donne cela :

     

    H----A

     

    Alors les enfants qui jusqu'à lors se contenaient de leur mieux pour ne pas déclencher les foudres des adultes, éclatent tous de rire. Un enfant de luzanote, les yeux plein de malice, se lève et se munissant de la craie complète le dessin.

    PARTIE I - CHAPITRE III

     

    Les enfants rient de plus belle à ce jeu de mot, en référence à la frénésie d'Héléna d'accumuler des tonne d'or dans ses coffres forts. C'est ainsi qu'ils décident de l'appeler en secret H-A. Le meeting terminé, ils rejoignent leurs parents pour profiter avec eux de la suite des festivités. Certains ont du mal à garder leur langue dans la poche. Bien vite la nouvelle du surnom d'Héléna se répand dans l'assistance. Tout le monde adopte ce surnom. Héléna pas le moins du monde offusquée trouve cela à son goût. Elle proclame à l'assistance que désormais chacun devra l'appeler par ce sobriquet : H-A. C'est ainsi que même son prénom disparaît des mémoires.


  • Commentaires

    1
    Dimanche 25 Août 2019 à 17:27

    Elle  a  bien compris   comment  capturer   l' attention  des hommes, en  flattant  leurs  faiblesses !

     Passe   une  bonne soirée

     Bises

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