• DUPLICITÉ : PARTIE I - CHAPITRE I

     

    Puisse la paix intérieur vous imprégner,

    Puisse la lumière vous inspirer.

    Et faire face à ce qui vient. »

     

     

    « Tous les possibles existent

    Même ceux que l’on ne voit pas.»

     

     

    « La force est dans votre esprit »

     

     

    PARTIE I : PÉNOMBRE

    CHAPITRE I : LE CHOIX

     

    « Si vous écoutez cet enregistrement, cela signifie que notre mission est couronnée de succès, du moins je l'espère. Je m'appelle Vincent et je fais partie de la résistance qui lutte pour retrouver la liberté sur notre Terre, commente Vincent qui affiche une expression décidé, le menton relevé et les main posées sur ses hanches.

    Nous vivons dans un univers parallèle au vôtre et tout y est presque à l'identique ; à l'exception de l'espace-temps et du déroulement des événements. C'est ainsi que, sur notre planète Terre, nous sommes en l’an deux-mille-cinquante-deux. Pour vous donner une idée, sur votre espace-temps quand nous vous enregistrons ce message vous êtes en deux-mille-dix. Je ne sais pas combien de temps la capsule contenant ces informations aura erré dans l'espace avant que vous ne la trouviez ; alors retenez cette différence pour vous repérer : nous avons quarante-deux ans d'écart entre votre système solaire et le notre ; explique-t-il consciencieux.

    Nous espérons que notre témoignage arrivera jusqu’à vous dans les temps, de sorte que vous puissiez agir en conséquence des événements à venir sur votre planète ; poursuit-il d'une voix alarmante.

    Chez nous un grand fléau sévit et vous menace aussi. C'est pour cela, qu'avec d'autres membres de la résistance, nous avons mis tout en œuvre pour vous faire parvenir ce message, dit-il avec détermination.

    Grâce à des aides extérieures, nous avons réussis à ouvrir une faille spatio-temporelle, que nous espérons pouvoir bientôt utiliser pour vous venir en aide ; dit-il sur un ton triomphale en même temps que son visage se déride et qu'un sourire vient éclaircir son côté sérieux. Regardez attentivement tous les témoignages que nous avons réunis, ils vous seront très utiles pour mettre en place une stratégie contre les plans impitoyables de Génard. » Vincent fait une petite pause, attrape sa bouteille et avale une gorgée d'eau avant de reprendre.

    « J'imagine que vous vous demandez qui est ce sale type ; il s'agit d'un démon qui, comme tous ses semblables, a pour objectif de faire régner l'ombre sur le multivers, dit-il d’une voix amère. Un de plus me direz vous. Exactement, et comme tous les autres s'il y parvient tout sera engloutit, affirme-t-il d'une voix dure et caustique. Pour ceux qui ne croit pas en ces êtres, sachez qu’ils sont partout et qu’ils nous trompent quotidiennement avec leur aspect humain. Ils apportent le chaos et la destruction et pire encore, ils menacent la vie tout simplement » ; continue-t-il sur un ton où résonne toute la gravité de ce qui arrive.

    Au travers de ses propos, Vincent met toute son énergie pour persuader quiconque trouverait ce rapport. Au fur et à mesure de ses allégations, de nouveau ses traits se ferment ; la mâchoire crispée, il reprend :

    « Dans notre espace-temps, Génard est proche du but, nous n’avons pas réussis à contrer toutes ces attaques ; et il s'apprête à développer sa stratégie sur votre univers. Vous êtes notre seule chance et vous avez la possibilité en vous sauvant, de nous sauver aussi ; » explique-t-il sur un ton emplit d'espérance en même temps que l'on peut lire sur lui un mélange d'émotions, passant par le découragement, le fatalisme et l'espoir.

    « En effet, nous avons découvert que notre univers lui a servit de base d'entraînement. Il a observé toutes nos réactions et tous nos moyens de défenses pour s'assurer une victoire sur votre univers ! expose-t-il une expression de dégoût sur le visage. Afin que vous puissiez mettre en place des stratégies de défense qui soient appropriées, les témoignages qui suivent sont très précis ; chaque détail compte ; et nous espérons que vous les recevrez avant 2011, sinon il faudra vous adapter à l’époque où vous vous trouvez ; » dit Vincent plein de fougue, en même temps que la vague d'inquiétude que l'on pouvait voir sur lui s’efface pour laisser la place à la détermination qui le caractérise de manière générale.

    Vincent est un jeune homme très impliqué dans la lutte contre Génard. Il a reprit le flambeau de son père ; tué lors d'un raid pour sauver un des leurs ; alors qu'il avait à peine quinze ans. Aujourd'hui âgé de vingt-cinq ans, Vincent porte sur le corps les cicatrices de ses luttes acharnées contre le démon. Une lui traverse le torse de part en part et l'autre se situe juste au-dessous de son arcade sourcilière droite.

    Son père était un homme très sage et il a toujours enseigné à Vincent que la vengeance était mauvaise conseillère. Il lui a appris que dans tous combats, même ceux que l'on ne choisissait pas, il y avait des pertes. Que si l'un deux mourrait ou l'un de leur proche, il ne fallait surtout pas chercher à châtier le ou les coupables ; mais plutôt continuer à se battre pour la cause. Certes, Vincent malgré les conseils avisés de son père a eu très envie d'écrabouiller Génard et ses acolytes tant il souffrait de l'avoir perdu. Il a pris de gros risques et la seule chose qu'il a récolté ce sont ses deux cicatrices ; il a même faillit faire capoter toute une opération avec ses bêtises de besoin de vendetta. Depuis Vincent a compris les enseignements de son père et il est devenu un des meilleurs combattant.

    Avec son mètre soixante-douze et ses soixante-quinze kilos, tout en muscle, il est plutôt bel homme. Brun au yeux marron, le visage carré, sa barbe de quelques jours lui donne un peu plus que son âge. Dans son regard perce toute sa volonté à voir le mal s'éteindre et de transmettre son message coûte que coûte au prix même de sa vie. Toujours aussi enflammé, quand il développe ses propos, on pourrait presque croire qu'il se prépare à l'action tant tout ses muscles sont tendus, près au départ.

    « Même si tout a déjà commencé sur votre Terre, gardez l'esprit ouvert ! Nous sommes persuadés qu’en alliant nos forces, nous pourrons encore empêcher le démon de tout réduire à néant ; énonce-t-il avec conviction. Quant à ceux qui crois que les humains sont les seuls êtres évolués dans les univers, ils ont intérêt à changer rapidement leur système de croyance s'ils veulent vivre ; car vous aurez besoin des êtres magiques et des peuples des autres planètes pour lutter contre ce démon ; met-il en garde le regard anxieux. C'est grâce à eux que nous avons pu résister jusque là ; et à Capucine, une fée, qui nous a expliqué comment on en est arrivé là ; » explique-t-il d'une voix lointaine, comme s'il revivait les situations en même temps qu'il les expliquait.

    Le regard vague dévoile à quel point il est bouleversé. Il se ressaisit très vite et reprend la voix hésitante :

    « Les faits remontent a plusieurs décennies pour notre système solaire ; tout à débuté quand la sœur jumelle de Capucine, Héléna, a sombré du côté obscur » ; lâche-t-il une pointe d'amertume dans la voix.

    Vincent fait une petite pause, retenant une larme qui pointe à l'orée de son œil, repensant à toutes les pertes humaines et à son père mort au combat depuis l'arrivée de ce fléau ; il se détourne légèrement et la gomme le plus discrètement possible d'un revers de main. La gorge sèche, il avale plusieurs gorgée d'eau. Il tente de reprendre contenance, puis d'une voix plus sèche qu'il ne le voudrait, il reprend :

    « Depuis, qu'elle est du côté démoniaque, Héléna, en prenant le contrôle de notre humanité, a bouleversé notre monde tel que nous le connaissions. Selon Capucine, c'est la première fois de toute l'histoire des univers, que le monde magique s'est accaparé le fonctionnement total d'une planète ! » annonce-t-il l'air sombre. Une fois de plus, il s'égare dans ses pensées et placarde une tristesse qui en dit long sur les épreuves qu'il a traversées.

    « Vous qui avez trouvé notre enregistrement, j'espère de tout cœur que vous êtes du bon côté et que vous pourrez faire quelque chose » ; déclare-t-il avec appréhension le timbre de sa voix voilé par le chagrin.

    Les craintes de Vincent sont plus que fondées : si jamais ce film tombait entre les mains de Génard, tout espoir de le vaincre serait anéantit. Vincent se morigène intérieurement de ces vagues déferlantes d'émotions qui le parcourent, alors qu'il y a bien plus important que sa petite personne.

    « Il sera bien temps de faire les deuils quand tout ça sera finit ; se dit-il. Je dois absolument me ressaisir et transmettre ce message le plus rigoureusement possible. On est pas au ciné et j'ai pas le temps de m'amuser à faire plusieurs prises pour masquer mes sentiments. »

    Vincent s'invective ainsi pendant quelques secondes qui lui semblent durer une éternité. Il a honte de laisser ainsi ses émotions prendre le dessus. Il ne pensait pas que ce serait si dure de transmettre toutes ces informations et ainsi revivre tous ces événements douloureux. Plus dure que le combat lui-même.

    « Comme quoi, quand on est dans le feu de l'action on ne réalise pas tout ce que l'on vit. L'adrénaline a du bon finalement, sinon je ferais un piètre combattant. » pense-t-il.

    Les secondes qui s’égrainent ; alors qu'il est parcourut par un florilège de ressentis ; voient son corps exprimer ses positions à son égard. Ses épaules voûtées se redressent peu à peu, son torse prend de l'ampleur et se bombe à mesure qu'il reprend du poil de la bête. Ses yeux blafards s'animent de nouveau et affiche avec fierté la détermination qui l'anime à mener sa mission à bien. Alors d'une voix posée et sûre il repend la parole :

    « Faites tourner cet enregistrement avec vigilance, car les troupes d'Héléna ont infiltrées de nombreuses organisations ; prévient-il avec circonspection. Chacun doit se préparer pour les temps à venir. C'est Alanoa, une cousine des jumelles, qui vous racontera tout ce qui s'est passé du côté des êtres magiques. Pour ma part, j'interviendrais avec quelques autres pour vous donner les éléments nécessaires concernant les humains et les peuples extra-terriens. » conclut-il très sérieusement tout en laissant place à Alanoa qui apparaît sur l'écran.

    C'est une petite fée d'à peine un mètre soixante, toute rondouillarde. Elle a le teint rose et les yeux verts qui pétillent malgré la gravité des événements ; comme si cela faisait partie de son physique. Les cheveux roses, courts et frisottants ; on pourrait dire qu'elle est toute craquante. Son aspect physique de premier abord enlèverait limite toute méfiance quant aux temps obscurs qu'annonçaient juste avant Vincent ; si ce n'était les cernes sous ses yeux qui virent au noires, marquant le visage d'Alanoa et les pâtes d'oie qui ornent son visage alors qu'elle a à peine vingt ans.

    Lorsque la jeune fée commence son récit, le ton grave de sa voix ne laisse plus de doute quant au sérieux de la situation.

    * Alanoa *

     

    Pour comprendre comment Héléna en est venue à prendre les commandes de notre univers, il faut remonter en l'an deux-mille-douze de notre monde, explique-t-elle le vague à l'âme :

     

    Héléna, combattante du clan de la lumière, mène un duel acharné contre l'homme du clan des démons. Les sorts fusent sans discontinuer. Déjà à plusieurs reprises il a failli la terrasser ! Il a un avantage sur elle, puisque seule sa pensée suffit à combattre. Quant à elle, sa magie ancestrale ne sort que de sa baguette. C'est un des inconvénients d'être une jeune fée : ses pouvoirs ne sont pas encore tous développés et elle n'est pas encore capable de faire de la magie sans sa baguette. De plus une autre chose joue en sa défaveur : jusqu'à il y a peu, les pouvoirs des fées étaient limités à embellir les choses non pas à combattre. Mais depuis que le clan de l'ombre leur a déclaré la guerre, elles ont été obligé de mettre en place moult formules magiques pour le défier. Alors, contrairement aux démons, pour qui l'art du combat est inné, les fées doivent faire preuve d'une grande concentration pour être efficaces dans leurs ripostes. Rien ne doit les détourner de leurs intentions pour réussir. Or, face à cet homme, Héléna a le cœur schamallow ! Elle se sent même stupide à le regarder ainsi avec béatitude.

    C'est pourquoi, tout en cherchant à comprendre ce qui lui arrive, elle n'utilise sa magie que pour détourner les attaques meurtrières de son adversaire ; ce qui n'est pas une mince affaire que d’éviter ses assauts, tant les lieux sont propices à quantité de pièges et cachettes : les grottes sont constituées d'une multitude de galeries, formant un véritable labyrinthe ; rendant les lieux inaccessible à tout être qui ne possède pas de pouvoir magique. D'ailleurs nombre d'humains qui ont tenté de s'aventurer dans ces grottes n'en sont jamais ressortis ! Ils mouraient tous de faim ou de folie de ne pouvoir quitter les entrailles de la Terre ; et leurs squelettes éparpillés ici et là donnent un aspect encore plus lugubre aux grottes.

    Héléna repense à une des expédition de spéléologues qui avait été envoyée pour tenter de trouver d'éventuels survivants d’une précédente virée$=*j, et comprendre ce qui se passe dans ces lieux. Cela avait été un véritable fiasco et n'avait fait qu'augmenter le nombre de victimes à dix personnes supplémentaires. Malgré leur précaution de s'encorder dès l'entrée, les explorateurs avaient subi le même sort que leurs congénères. Des écoulements acides avaient fait se dissoudre les cordes qui leur servaient de repère, les empêchant de retrouver leur chemin. Les humains, malgré tout, s'étaient acharnés et avaient envoyé plusieurs équipes de secours, mais aucune n’était jamais revenue. La seule chose qu’ils avaient gagné, c’était encore d’augmenter le nombre de cadavres dans les grottes ! Alors la terreur avait fini par gagner les habitants des environs et depuis ces horribles disparitions, l'accès des grottes est totalement interdit. Encore aujourd’hui des histoires à donner la chair de poule circulent sur le site et dissuadent quiconque aurait envie de s'y aventurer !

    « Heureusement que les humains ont finit pas comprendre, se dit Héléna, il y a suffisamment de squelettes comme cela dans ce fichu endroit et c'est vraiment trop glauque ; pas la peine d’en rajouter des couches ! » se dit-elle horrifiée à l'idée qu'il puisse y avoir d'autres morts.

    Pour accentuer les dangers de ces grottes, d’immenses stalagmites disparaissent constamment dans les enfonçures de la terre pour resurgir ailleurs, laissant des trous derrière eux. C'est à devenir dingue, car rien ne présage où le phénomène va avoir lieu ! Que dire des stalactites qui étrangement changent de taille, allant parfois jusqu'à bloquer le passage, pour devenir invisible, et réapparaître sous une autre forme, rendant totalement impossible l'idée de prendre des repères visuels.

    « Pas étonnant que tant d'humains y ai trouvé la mort, pense la fée le visage renfrognée. Même nous les être magiques on galère ; alors j'imagine même pas ces pauvres bougres confrontés à ces manifestations diaboliques ! se dit-elle en luttant pour ne pas dégringoler. Et comme si ça ne suffit pas d'éviter les attaques, je dois en plus anticiper sur l’émergence de ces anfractuosités en mouvements permanent ; un vrai casse tête ! », se dit Héléna qui manque de tomber dans l'une d'elle.

    Sous les rires sarcastiques de son adversaire, elle tente tant bien que mal de rétablir l'équilibre tout en se protégeant des sorts mortels qu'il lui envoie ; ce qui ne manque pas de déclencher une remarque cynique de ce dernier.

    « C'est tout ce que vous avez en boutique pour venir nous défier ? Des nourrissons tout juste sortis de leurs couches et incapable de tenir debout ! dit-il le regard plein de dédain.

    - Ne soyez pas aussi prétentieux monsieur », répond-elle offusquée par ses propos, tout en lui envoyant un sort de bouche cousue.

    Aussitôt les lèvres de l'homme se retrouvent ficelées et elle ne peut contenir un rire espiègle devant son air ahurit. Furibond, il parvient rapidement à retrouver la parole et reprend le combat. Une colère sourde lui prend les tripes de voir cette petite fée lui avoir ainsi ligoté la voix !

    L’ambiance glaciale du site ne facilite pas la tâche d'Héléna dans ses tentatives de remettre de la lumière dans le cœur de l'homme contre lequel elle combat. Même les torches allumées par les fées ne rendent pas l'atmosphère plus chaleureuse. Pourtant tout en esquivant ses attaques, elle tente de lui faire rejoindre son clan. Il a beau ricaner, elle est convaincue d'y parvenir. Elle ne baisse pas sa garde pour autant. Malgré tout, pleine de douceur, elle tente de la convaincre encore et encore tout en constatant que le duel perd de son ampleur. L’homme peu à peu faiblit, en même temps que la dualité s'installe en lui :

    « Pourquoi cette femme me trouble-t-elle aussi profondément ? Je ne sais plus si je dois la tuer ou laisser mon cœur parler ! » sa tête est un véritable champ de bataille où lumière et ombre se disputent la première place. « Dois-je rompre le serment fait avec Génard ? Dois-je profiter de la faiblesse que je sens en elle pour l'abattre sans pitié ? » s’interroge-t-il complètement paumé.

    Il fait un mouvement brusque de la main espérant chasser ses pensées qui l'agacent plus qu'autre chose.

    Héléna, percevant ce conflit intérieur, profite de l'occasion pour lui envoyer une dose massive d'amour. Ce qui lui est aisé tant elle en a pour lui. Elle-même se surprend de ce sentiment.

    « Comment est-ce possible ? C'est un humain et nos clans sont les pires ennemis dans l'univers ! », pense-t-elle très étonnée, une expression de stupeur sur le visage.

    Elle ne s'interroge pas plus avant, s'imaginant avoir rencontré son âme sœur, même s'ils n'appartiennent pas à la même espèce.

    « Rien ne peut s'opposer à l'amour ! S'il a les mêmes sentiments, je suis sûre qu'il peut retrouver le chemin de son cœur. » se dit-elle avec conviction.

    Il est aisé pour Héléna de penser ainsi, car comme nous l’avons dit, l’art de la guerre n’est pas naturel pour notre peuple, explique Alanoa d'une voix où perce l'affection pour sa cousine. En tout les cas, l'homme qu’elle affronte n’a pas l’air de son avis et son regard haineux, l'expression fermée de son visage, sa voix dure, quand il reprend la parole démentent les pensées d’Héléna :

    « Je ne sais quel sortilège vous m'avez jeté. Je ne parviens pas à me résoudre à vous écraser ! Ce serait si simple pourtant, tant vous êtes subjuguée. Je vous trouve bien naïve. Vous pensez vraiment que je ne vais pas vous abattre ? Ne faites pas cette tête ahurie ! Il n'y a pas que vous qui savez lire dans les pensées. » dit-il hargneux.

    Loin d'être déconcertée par ces propos, Héléna très sûre d'elle, saisit l'occasion pour lui dire ce qu'elle a sur le cœur :

    « Si votre âme était aussi noire que vous le laisser paraître, je serais déjà morte, dit-elle les joues rosies par son enthousiasme. Or, je constate que vous tergiversez à mettre fin à ce combat. Pourquoi ne pas laisser ce duel et rejoindre le clan de la lumière ? questionne-t-elle pleine de foi, qu'elle extériorise en ouvrant grand les yeux, tout en tendant son visage vers lui ; comme si elle voulait caresser de ses mots son interlocuteur.

    - Je vous trouve bien présomptueuse. En quoi pensez-vous que je veux changer de camp ? Descendez de votre nuage, nous sommes sur Terre ! » l'homme parle sèchement, un sourire narquois accroché aux lèvres.

    Sans se démonter Héléna lui tient tête et réplique aussitôt, trop heureuse de voir que sous ses dehors hautains elle a réussi à le toucher.

    « En quoi être sur Terre vous oblige à faire partie du clan des démons ? Et non je ne me sens pas supérieure à vous. Je crois juste au pouvoir de l'amour, comme toutes les fées ! Je suis sûre qu'il peut en être de même pour vous ; dit-elle avec ardeur, en se dressant de toute sa hauteur.

    - Vous êtes vraiment à côté de la plaque. De quoi vous mêlez vous ? Restez donc dans votre monde au lieu de venir nous envahir, répond son adversaire acerbe. Vous vivez peut-être d'amour et d'eau fraîche au pays des fées, mais pour nous les humains, c'est pas la même ; persifle-t-il le faciès complètement fermé. Vous croyez qu'il vous suffit de claquer des doigts pour tout changer ? Il serait peut-être temps d’atterrir madame la fée ! termine-t-il en s'emportant de plus en plus.

    - Mais que dites-vous ? Je suis bien consciente que tout est différent entre nos peuples ; lui dit-elle compatissante. Pourtant rien ne vous oblige à faire le choix de l'ombre. Il y a aussi l'autre côté du miroir : la lumière ; ajoute-elle tandis que ses sourcils se lèvent et qu'un léger sourire bienfaisant remplit ses lèvres. Et puis je vous signale, que nous les fées étions sur Terre bien avant vous ! continue-t-elle en s'irritant de la mauvaise foi de son interlocuteur. Alors s'il y a quelqu’un qui a envahi l'autre... »

    L'homme tout en ricanant coupe la parole à Héléna. Il se fait plus haut et plus ténébreux tout en rétorquant plein de cynisme, la voix rauque :

    « Alors madame se pointe avec son petit catalogue : ange ou démon », dit-il gouailleur, tout en mimant du geste comme s'il feuilletait ce dit catalogue, « et madame est convaincue que tout est aussi simple que cela. Que tout est divisible. D'un côté blanc et de l'autre noir ! énonce-t-il avec arrogance ; et continuant sur un ton moqueur, il assène son coup de grâce : Madame la fée nous la joue à la guimauve. Vous n'auriez pas une troisième alternative par hasard ? Non ? C'est bien ce qu'il me semblait ! poursuit-il le ton âcre. Elles sont bien belles vos paroles. Mais dans la réalité... », il laisse la phrase en suspend et sur un geste d'énervement il reprend « Et puis ça reste à prouver que vous étiez sur Terre avant nous ! » termine-t-il en s’emportant, les sourcils froncés et le regard incisif.

    Devant la réaction de l'homme, Héléna sourit tendrement et se conforte dans sa décision de le persuader de quitter le clan de l'ombre.

    « Dans la réalité vous avez peut-être envie d'y croire à autre chose ? Pourquoi poursuivre ce dialogue si ce n'est pas le cas ? questionne-t-elle avec ferveur, tout en le dévorant des yeux.

    - Parce que figurez-vous que j'ai d'étranges sensations ; répond-t-il amer. Je ne sais pas ce que c'est. Ça me pose un sacré problème de conscience et j'aurais mieux fait de vous descendre dès que j'en ai eu l'occasion ; grogne-t-il. En tout cas, vos solutions sont obsolètes ; lance-t-il en marmonnant tout en commençant à perdre de sa superbe.

    - En quoi mes propositions sont vieillottes ? Ce n'est pas compliqué ce choix entre le bien ou le mal ! dit Héléna innocemment. Et puis je vois bien que je ne vous laisse pas indifférent, vous ne combattez même plus ! poursuit-elle sur un ton presque enfantin. Ressentez-vous comme moi ce lien étrange qui nous lie ? questionne-t-elle avec émotion.

    - Vous me troublez ça c'est sûr. C'est Hiroshima dans ma tête. Et arrêtez ces multiples questions ! », l'homme, le visage crispé, se montre de plus en plus agacé. « Me prenez pas pour un pigeon ! Ces bouleversements en moi sont bien dus à quelque chose. Alors vous allez vite fait bien fait retirer votre sortilège », termine-t-il avec colère.

    - « Je n'ai usé d'aucune magie. Je puis vous l'assurer ; lui répond-elle avec sincérité. Croyez-vous que si j'avais utilisé un sortilège, je serais assez stupide pour penser qu'il atteindrait tous vos acolytes ? demande-t-elle avec véhémence, rougissant d'énervement de le voir aussi borné. N'importe lequel de vos combattants peut en profiter pour m'abattre. Pourtant je continue de vous parler comme si nous étions seuls au monde ! Je n'ai pas perdu la notion de ce qui se trame autour de nous et je ne suis pas idiote au point de ne pas voir que nous courons un grand danger, aussi bien l'un comme l'autre ! »

    Héléna parle avec emphase, elle s'agite faisant de grands gestes avec ses bras. Elle a tant envie de lui montrer que ses intentions sont bonnes, même si, s'avoue telle, une autre motivation la pousse à le convaincre. Parce qu'elle sent l'étincelle de l'amour grandir en elle.

    « Qu'est-ce que vous racontez encore ? dit-il incrédule en la regardant comme s'il avait à faire à une folle évadée de l'asile. C'est sûr ! Si Génard me voit parler avec vous plutôt que d'en terminer une bonne fois pour toute, il ne se gênera pas pour me faire la peau ! enchaîne-t-il complètement tourneboulé par son propre comportement.

    - Alors c'est indiscutable nous sommes autant atteints l'un que l'autre par cet élan d'amour ; déclame la fée Jamais je n'ai entendu une telle histoire entre un humain et une fée ! Nous sommes tellement différents ; dit-elle moitié pensive.

    - Oh ! Oh ! Oh ! On se calme ! Vous allez bien vite en la besogne. Je ne sais pas ce qui se passe, ni pourquoi ça bouillonne dans mon cœur, mais ça ne veut rien dire ! C'en ait même presque grotesque et comme vous dites on n’a rien à voir l'un avec l'autre ; répond l'homme complètement sur ses réserve tout en entamant un mouvement de recul comme s'il avait le diable aux fesses.

    - C'est clair, nous n'avons pas la même vision des choses. Alors le duel dans la grotte, n'est rien à côté de ce qui nous attend ; répond la fée avec conviction, sans prêter attention aux propos de l'homme. Pourtant j'ai envie d'y croire ! Sinon pourquoi nous serions-nous rencontrés ? Pourquoi ce sentiment serait si prégnant ? Parfois il suffit d'un exemple pour que les choses changent ! »

    Héléna poursuit cette joute verbale, gesticulant dans tous les sens, tentant de transmettre ses certitudes les plus profondes, de montrer tous les possibles. Mais l'homme est difficile à convaincre.

    « Je ne sais pas pourquoi Cupidon a eu la stupidité de nous toucher tous les deux ; dit-il dédaigneux un rictus de dégoût suspendu à sa bouche. Il a dû trouver ça drôle, cet imbécile, de nous faire ce sale coup ! Ou alors il a trop picolé hier soir et il a raté son tir et envoyé sa flèche au mauvais endroit ; tente-t-il de justifier avec rogne. Et sur un ton caustique il continue : On a rien à voir l’un avec l’autre ! Madame la fée a son p'tit cœur qui bat et pour elle, ça y est tout est gagné ! Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants. Ça c'est pour les gosses ce genre de contes ! Mais moi je ne vais certainement pas me laisser gagner par ce sentiment débile. C'est de la connerie pure ! » il vocifère, crachant ces paroles avec une telle colère, que son corps en devient rouge-orangé comme la braise.

    La fée voyant son corps rougeoyer ainsi, constate qu’il se consume totalement de l’intérieur. Elle en éprouve un grand sentiment de joie : ses propres ressentis sont confirmés ! Cela lui insuffle une nouvelle force pour poursuivre.

    « Mais pourquoi ne pas croire en l'amour ? C'est si simple pourtant ! exprime-t-elle pleine d'assurance.

    - J'ai l'impression qu'on tourne en rond là ; répond-il agressivement en serrant les poings. Simple en quoi ? Moi j'suis dans les chiffres MADAME ; martèle-t-il comme s'il parlait à une simple d'esprit ; et je peux vous assurer que ce n'est pas toujours drôle. Rien n'est aisé sur Terre. La confiance, la guimauve c'est pour les gamins. Mais quand on est adulte tout se complique. Le combat c'est au quotidien ! dit-il nerveusement. Vous, les fées, vous déraillez complètement avec vos idées à l'eau de rose ; termine-t-il sardonique.

    - C’est clair comme de l’eau de roche, nous sommes en pleine dualité ! Entre vous qui êtes sur vos gardes et moi qui ai confiance en nous ! C'est une véritable partie de poker ; affirme-t-elle toujours aussi enthousiaste, rayonnante de plaisir. Qui gagnera ? L'amour ou nos modes de vie différents ? Cupidon ne nous a pas liés pour rien. Il a sûrement de bonnes raisons ! Alors pourquoi ne pas y croire ? demande Héléna avec candeur, dont les questions et affirmations fusent de sa bouche dans un débit ininterrompu.

    « Vous êtes longue à la détente vous, quand même ! J'ai l'impression de parler à un mur. Vous m'écoutez ou quoi ? »

    L'homme s'énerve et envoie une armée de flammes qui entourent Héléna prêtent à la consumer sur place. Une étincelle de rire dans les yeux elle déjoue le sort avec facilité.

    « Pas très crédible le garçon. Il est bien plus perturbé qu'il ne veut le laisser paraître », pense-t-elle. Alors loin de se résigner elle reprend de plus belle.

    « Bien sûr que je vous entend. Ça n'empêche que l'ange de l'amour n'a pas frappé par hasard ; commence-t-elle pleine de la sincérité et des sentiments qui l'animent.

    Elle fait les cent pas en réfléchissant à la vitesse de l'éclaire et continue dans sa lancée :

    « Et je le connais personnellement, je sais qu'il ne s'enivre jamais ! Je ne pense pas non plus qu'il ait agi par malveillance. Ce n'est pas son style »

    Héléna très intriguée s'arrête de parler et réfléchit sans se rendre compte qu'elle s'exprime à voix haute. La main sur sa joue, prenant la même pose que la sculpture de Rodin, elle met son coude sur l'autre bras plié contre sa poitrine, et s'interroge sur ce qu'il se passe :

    « Je connais bien les mécanismes du cerveau. Ça va être délicat pour tous les deux. Alors pourquoi réunir un humain et une fée ? Qui plus est, sont opposés par leurs choix de vie ? se demande-t-elle la tête légèrement inclinée tant elle est absorbée par ces réflexions. Cet homme voit le mal partout au lieu de voir ce sentiment qui nous lie ! Pourquoi Cupidon a-t-il fait ça ? Dans quel but nous réunir ? »

    Héléna fait des allers-retours devant l'homme en question toute à ses méditations, sans plus penser aux raisons pour lesquelles elle se trouve dans ces grottes. Son adversaire la sort de ses pensées avec cynisme.

    « Haha-haha ! Vous délirez de plus en plus. Vous êtes grave à l'Ouest ! De quoi me parlez-vous de dualité ? De cerveau ? D'inconscient ? C'est quoi vos histoire ? On touche le fond là ! »

    L'homme de colère envoie une autre salve de sorts, qu'Héléna évite avec aisance. Elle sourit encore plus ; ses propos le retournent vraiment. La foi de la fée grandit de pouvoir toucher encore plus son cœur et l'amener à la rejoindre. Elle ne s'aperçoit même pas que dans l'ombre quelqu'un observe la scène.

     

    *

    La silhouette qui épie se penche sur un être étrange, un patolitote, et lui susurre discrètement quelques mots à l’oreille. Le patolitote n'en mène pas large, devant la lueur aussi sombre que l'acier, qui brille dans les yeux de son maître. Il n'a pas intérêt à louper son coup. Pourtant, s'il savait la satisfaction de Génard, qui voit que tout se déroule comme il l'a prédit, il ne serait pas aussi inquiet. Après un dernier regard sur le couple, le chef des démons quitte le champ de bataille.

     

    *

    Héléna profite de la brèche ouverte dans la certitude de son adversaire pour surenchérir :

    « Vous n'êtes pas au fait des nouvelles découvertes faites sur les mécanismes du cerveau et de l'inconscient ! »

    La fée s'emporte dans ses explications avec fougue, mimant presque tous ses mots comme pour appuyer ses propos.

    « Ce que nous les êtres magiques savons depuis bien longtemps déjà, vos scientifiques eux commencent à peine à l'explorer et le mettre en avant. Le cerveau est une machine extraordinaire, mais complexe. Il est très malléable et beaucoup de choses viennent interférer dans son fonctionnement !

    - Vous voulez en venir où là ? C’est nébuleux ce que vous dites ! intervient l’homme avec condescendance en haussant le sourcil droit.

    - Si vous me laissiez terminer au lieu de m’interrompre tout le temps ! rétorque la fée agacée par l’arrogance de son interlocuteur.

    - Allez y, je vous écoute au lieu de faire l’enfant ; dit-il en la titillant.

    Héléna fait la moue, en le regardant sévèrement droit dans les yeux ; ce type l’exaspère bien plus que la normale et elle s’étonne qu’il parvienne ainsi à lui faire perdre son calme.

    - Le subconscient domine près de quatre-vingt-dix pour cent de vos actes et tout ce que vous avez vécu dans votre enfance, puis plus tard influence chacun de vos choix. », riposte-t-elle courroucée par le ton méprisant de l'homme.

    - Oui, et alors ? Ça vient faire quoi là-dedans votre petite histoire ? questionne-t-il plein de suffisance.

    Il l’a dévisage, les bras croisés, le regard hautain, constatant qu’il parvient à la déstabiliser avec aisance, et s’en amuse plus que de raison.

    « Et bien parce que tout ce qu’enregistre le cerveau va vous conduire à des choix qui sont trop souvent bien à l’encontre de ce que vous voudriez vivre ! Par exemple nous les fées sommes éduquées dans un écrin de bonheur ; ainsi nous avons une foi totale en la puissance de l'amour ! J'ai foi en ce que la vie peut offrir. poursuit-elle plus calmement tout en le regardant droit dans les yeux. De ce fait notre rencontre pour moi est positive et j'ai confiance en vos possibilités ; affirme-t-elle radoucit Vous me rétorquerez peut-être, une fois de plus, que je suis totalement folle. Je m'en moque ! poursuit-elle avec ardeur. C'est peut-être incroyable, pourtant je sais, que même si je devais aller vous chercher en enfer, je le ferais. Si moi une fée, je ne peux pas croire en la magie, en toutes ses possibilités, qui pourra le faire ? »

    Héléna lance cette longue tirade en oubliant presque de respirer, tant elle craint que l'homme ne lui coupe encore la parole. Elle est à bout de souffle quand elle constate avoir fait mouche. L'homme l'écoute pantois. Peu à peu il se laisse tenter par ce qui touche son cœur.

    « Je sais que nous ne sommes pas dans un salon de thé mais nous voilà à discuter et je ne connais même pas votre prénom. Je m'appelle Héléna et vous ? » demande-t-elle avec tendresse, la bouche en cœur.

    L'homme la regarde un peu sonné. Les propos de la fée éveillent en lui bien des interrogations. Plissant les yeux comme pour mieux la voir et lire en elle, il reste silencieux tout en la sondant. Il aurait pris un Knock-out sur un ring de boxe qu'il ne serait pas aussi assommé. Une voix lointaine et douce le ramène à ce combat qui ressemble plus à un duel intérieur qu'à autre chose.

    « Hou, hou ! Vous êtes là ? Vous vous sentez bien ? demande Héléna soucieuse.

    - Avouez que la situation est cocasse. Nous sommes censés nous faire la guerre et au lieu de cela nous conversons comme si nous étions de vieux amis ; répond-il troublé par ce qui se passe. Mais soit ! Il semblerait qu'une trêve nous soit accordée, alors pourquoi ne pas en profiter. Je m'appelle Victor, dit-il la stupeur dans la voix.

    - Je n'irais pas jusqu'à dire que nous discutons comme de vieux amis, même s'il est vrai que la situation vu de l'extérieur peut paraître incongrue, je vous l’accorde, répond-elle amusée en même temps que s'étale un large sourire sur son faciès. Dites-moi Victor, pourquoi avez-vous rejoint le clan des démons ? » questionne la fée gentiment.

    Nonobstant ce qui les entoure, ce pour quoi ils sont réunis, Victor lui confie son histoire : quelques dizaines d'années en arrière, il a signé un pacte avec l’ombre.

    « J’étais au bord de la faillite. L’entreprise que mon père m’a léguée, qui se transmet de génération en génération, était en train de sombrer. La crise de 1929 n'a pas arrangé les choses ; explique-t-il déconfit. Je vivais très mal cette situation lorsque Génard m’a proposé de m’aider. J’étais tellement préoccupé par ma sécurité financière et la sauvegarde de mon patrimoine que je n’ai pas fait attention aux propos de cet homme, si ce n’est qu'il pouvait tout arranger. J’ai accepté sans plus réfléchir et j'ai signé un pacte avec mon sang ; continue-t-il assez mal à l'aise. Ça a tout changé dans ma vie. C'est sûr, Génard est un grand mage ! » termine-t-il désenchanté.

    Avec cet accord la situation financière de Victor fut de nouveau florissante. Il obtint même un bonus, car Génard, qui pouvait jouer avec le temps, lui accorda une grande longévité. C’est ainsi que Victor a rejoint le clan des démons.

     

    *

    Justement, Génard, qui observe la scène depuis son antre, en a assez de voir la situation s'éterniser; il lui tarde de voir sa prédiction se mettre à l'œuvre. Aussi décide-t-il d'intervenir. Il prépare un envoûtement afin d'augmenter les effets de la flèche lancée par Cupidon, puis jette sans plus tarder le sortilège pour faire flancher Victor. Génard doit absolument gagner ce combat pour son avenir et celui du clan des démons ! Il ajoute donc à ce sortilège quelques incantations pour rompre le fameux pacte signé avec Victor. Mais l'effet cumulé de tous les sorts est d'une telle violence que Génard voit sa proie chanceler.

     

    *

    Victor regarde Héléna une lueur d'incompréhension dans les yeux. Il a le teint pâle et tient difficilement sur ses jambes.

    « Que vous arrive-t-il ? Ça ne va pas ? lui demande-t-elle avec inquiétude, réprimant la frayeur qui l'envahit à l'idée de le perdre.

    - Un léger malaise. Je me sens tout bizarre ; répond-t-il d’un ton faible en chancelant.

    - Je peux faire quelque chose ? demande Héléna affolé par l'état de Victor, tout en se précipitant vers lui pour le soutenir.

    - Non ça va. Le tournis est en train de passer. C'est comme si on me retirait quelque chose. C'est vraiment étrange », reprend Victor d'une voix tremblante, le visage d'une blancheur extrême et les traits soudainement tirés.

     

    *

    Génard qui continue de superviser l'échange entre Héléna et Victor constate qu'il a un peu trop forcé la dose. Rien ne doit être laissé au hasard, il ne doit pas être dénoncé en agissant avec trop de précipitation. Tout doit sembler naturel et non émaner d'une quelconque magie, sinon la fée va compromettre ses plans. Alors il reprend quelques incantations pour stabiliser la situation et embrumer les esprits des deux tourtereaux. Le sourire qu'il voit se dessiner sur les lèvres de Victor lui confirme que tout est rentré dans l'ordre ; même sa voix est claire quand il s'adresse de nouveau à Héléna qui n'a absolument rien pressentit tant elle est aveuglé par son amour à l'égard de Victor.

     

    *

    « Je m'en suis longtemps mordu les doigts de ce pacte avec Génard. Je ne supportais pas d'être au service de ce démon, même si les pouvoirs qu'il m'a donnés me sont montés à la tête ; dit Victor un peu honteux, tout en reprenant des couleurs. J'étais le roi des affaires, les mafieux ne m'arrivaient pas à la cheville et me craignaient. C'était excitant et j'étais tout puissant ; » poursuit-il fiévreusement, emporté par ses souvenirs en même temps qu'il retrouve plus de stabilité dans ses jambes. « Mais en contre-parti Génard exigeait de moi d'être un des leurs et tuer n'était pas mon fort. Avec le temps je me suis laissé entraîner comme un zombie dans son monde ; enchaîne-t-il d’une voix caverneuse. Génard m'ensorcelait pour s'assurer ma coopération. Il a bien vu qu'une part de moi doutait du bien-fondé de tuer sans merci toutes personnes s'opposant au clan des démons ; continue-t-il avec amertume. De mon côté, pour oublier ce que je faisais j'ai fait n'importe quoi et je me suis mis à prendre des drogues et à jouer au casino. Ça m'atrophiait les neurones et je ne pensais pas. Mais franchement, je ne regrette pas aujourd'hui tout ce qui s'est passé ; » conclue-t-il sur un ton plein d'entrain, alors qu'il exhibe un grand sourire béat tant il rayonne de bonheur en pensant à la chance qu'il a de faire cette rencontre grâce à ses choix passés.

    «  Comment ça ? demande Héléna déroutée par les propos de Victor.

    - Réfléchissez un peu ! Si je n'avais pas signé ce pacte avec Génard, je ne vous aurais jamais rencontré car je serais déjà mort ; dit-il tout ragaillardit. Et surtout, je ne serais pas dans ces grottes avec vous. Ce qui est épatant, c'est que malgré mon appartenance au clan de l'ombre, vous avez laissé vos sentiments parler ; termine-t-il plein d'admiration pour la fée.

    - Je n'ai aucun mérite. N'oubliez pas l'intervention de Cupidon ; répond-elle humblement.

    - Comment pouvez-vous me faire confiance de la sorte ? », très étonné il regarde Héléna ébahit par son comportement. « Malgré ce qui se trame ici vous avez préférer tenter le tout pour le tout pour m'épargner au lieu de le combattre. c’est incroyable, admettez le ! lance-t-il de plus en plus surpris.

    « Je vous l'ai dit, nous les fées avons une foi sans limite. Si Cupidon a agi ainsi, c'est qu'il y a forcément une raison. ; lui explique-t-elle comme si tout cela était tout à fait normal. C'est du reste en partie à cause de cette foi que les démons cherchent à nous faire disparaître ; car ça les gêne dans leur emprise totale sur les humains, affirme-t-elle avec assurance.

    - Mais pourquoi ne laissez-vous pas les démons agir comme bon leur semble puisque c'est aux hommes qu'ils veulent s'en prendre ? Ils ne chercheraient plus à vous anéantir ; demande-t-il curieux.

    - C'est insensé ce que vous dites ! répond-elle consternée. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés à regarder les démons régner sur Terre ! continue-t-elle sur un ton scandalisé en faisant les gros yeux. Nous sommes là pour protéger les humains des effets néfastes de l'ombre ! s’exclame-t-elle. Même si nous n’avons pas le droit d’interagir sur le libre-arbitre des hommes, nous pouvons limiter les dégâts ; poursuit-elle sur un ton un peu plus calme. Il est important de garder un équilibre, sinon ce serait l'anéantissement de tout, dit-elle avec assurance. Bien sûr, l'idéal serait de faire disparaître les démons à jamais, annonce-t-elle tout en se détendant ; mais ça ne fait pas partie des plans du Grand-Tout. Je ne sais pas pourquoi il tient tant à préserver l'existence de toutes choses ; affirme-t-elle chiffonnée. Il nous dit qu'il y a une autre alternative que d’exterminer le clan de l’ombre ; et je ne vois vraiment pas ce que c'est. ; continue-t-elle un peu boudeuse. Et avec ce fichu libre-arbitre que nous avons nous aussi, il ne nous aide pas d'un pouce. Vous voyez bien que notre rôle est important et que nous ne pouvons pas quitter la Terre ; affirme-elle avec élan. Et puis d’abord nous y étions bien avant les démons et les humains sur cette planète ; je vous l’ai déjà dit ! termine Héléna fâchées par les allégations de Victor.

    - Alors Héléna, si vous êtes là pour aider les humains, comment se fait-il que je ne vous ai pas entendu lorsque j'ai demandé de l'aide ? Comment se fait-il que je n'ai entendu que la voix de Génard ? intervient-il perplexe en se frottant le menton.

    - L'ombre se nourrit de vos peurs et de vos doutes. Elle a besoin de vos pensées négatives pour vous atteindre. Comme vous étiez perturbé à l'idée de perdre votre entreprise, Génard en a profité ; explique-t-elle persuadée d'être dans le vrai. Malheureusement, quand vous êtes ainsi, nous n'arrivons pas à entrer en contact ; commente Héléna naïvement.

    - Si je vous comprends bien, je suis à même de vous entendre parce que Cupidon est intervenu ? demande-t-il abasourdit en écarquillant les yeux.

    - Entre autre Victor et aussi parce que votre pacte avec Génard vous a fait entrer dans le cercle de la magie, même si de votre côté vous avez utilisé la magie noire ; lui dit-elle innocemment. Je pense que si Cupidon ne nous avait pas touchés de sa flèche, nous aurions combattu comme les fois précédentes et l'un de nous serait déjà mort. Sans cet amour que j'ai pour vous, je n'aurai pas tenté de vous parler ; constate Héléna qui commence à être quelque peu déstabilisée par ses propres assertions.

    - Alors comment fait-on si vous ne pouvez pas nous venir en aide quand on est trop mal ? C'est complètement digue votre histoire. Ça veut dire que les seules réponses que nous pouvons recevoir sont celles de l'ombre ? questionne-t-il de plus en plus dubitatif ; exhibant un masque de surprise.

    - Non Victor ! Cela signifie juste que vous devez avoir la foi. Si vous y croyez fort, alors vous aurez l'aide. Nous sommes toujours là, prêts à intervenir. » Héléna se fait de plus en plus véhémente, presque plus, pour se convaincre elle-même que pour convaincre Victor ; tout en éprouvant une sensation d'inconfort qui lui faire rougir ses joues.

    « Vous me scotchez là. Comment avoir la foi quand on est au fond du gouffre ? Comment ne pas douter ? Ça fait un peu monde des Bisounours ça » ; s'exclame-t-il décontenancé.

    Victor s’interroge, ses sourcils se froncent et sa bouche se tord sous la stupeur qui le ronge. Il reprend vivement :

    « On est des humains bordel et on a nos limites. Si nous ne pouvons pas vous entendre quand on est mal, vous ne croyez pas que vous avez des choses à changer ? persifle-t-il. Vous pensez que c'est tout blanc ou tout noir, mais ne croyez-vous pas qu'il peut y avoir autre chose ? continue-t-il en sortant de ses gongs. Autre chose qui pourrait vous permettre de nous atteindre ? demande-t-il consterné. Ah, vous êtes bien prétentieux vous les êtres magiques quand vous dites que vous savez comment fonctionne le cerveau humain ! Vous n’êtes même pas capable de voir que vous aussi vous avez des limites ! » conclue-t-il agacé.

    Héléna se sent dans une impasse. Les échanges avec Victor la déstabilisent, remettant en cause ses convictions. Elle se sent proche de l'asphyxie, tant elle commence à voir les écueils de son mode de fonctionnement. Ce que dit cet homme est totalement juste, les sentiments négatifs les empêchent d'agir pour aider les humains.

    « Si je saisis bien ce qui se passe, les intentions du Grand-Tout seraient de réunir ? C'est pour cela qu'il aurait demandé la participation de Cupidon pour nous unir Victor et moi ? », pense-t-elle de plus en plus incertaine.

     

    *

    Génard qui assiste en direct à l’échange entre les tourtereaux depuis son repère, perd un peu de son assurance quant à son plan. Il ne pensait pas que ce couple que fondaient Victor et Héléna, avait une si grande importance aux yeux du Grand-Tout. Il fait les cents pas autour de son grimoire cherchant une idée pour gagner la partie. Il ne croyait pas que ce serait si compliqué de parvenir à son but. Il s'imaginait gagner en un tour de main et finalement la tâche lui semble plus ardue que ce qu'il avait prédit.

    « Ainsi le Grand-Tout se permettrai d'interagir sur le libre-arbitre en m'empêchant de tout voir dans mes visions ? », gamberge-t-il. La tête de Génard est en ébullition. « Il me faut absolument une idée pour contrer ce fouteur de troubles ! » s’énerve-t-il intérieurement, les traits déformés par la colère.

    Mais rien ne traverse son esprit qui d'habitude est prompt à la répartie. Il pousse un cri de bête enragée, à faire trembler les murs. Autour de lui tout s'embrase tant son courroux est immense.

    Laïssion, enveloppée dans une longue robe moulante en peau de serpent, s'approche de lui, voluptueuse. Elle est aussi grande que lui avec ses talons aiguilles qui n’en finissent pas.

    « Tu as une silhouette de bombasse » que Génard a l’habitude de lui dire, « belle à l’extérieur, vide à l’intérieur ».

    ça l’a toujours fait bouillonner de l’entendre parler d’elle ainsi ; aussi roucoule-t-elle de plaisir en voyant le démon aussi démuni. Il est temps qu’il voit qui elle est, pense-t-elle tout en passant ses longs ongles sur le visage de son homme. En temps normal, il l'aurait embrassé sauvagement et lui aurait montré sa domination, mais là, son esprit est ailleurs. Il a l'impression de perdre le contrôle des événements et il refuse cette éventualité. De plus en plus rageur, il attrape la main de sa femme et la repousse avec violence.

    « Pourquoi t'énerves tu ainsi ? », demande-t-elle à la fois déconcertée et ravie par l'attitude de Génard.

    « Je n'arrive pas à trouver une idée pour séparer ces deux-là ! Le Grand-Tout interfère dans mes plans et m'empêche une claire-voyance total ; répond-il avec humeur. Jamais il n'a agi de la sorte avant. Le patolitote n'arrive pas non plus à prendre le contrôle du cerveau de Capucine. Elle n'a donc pas encore descendu Victor et plus ces deux-là discutent, plus ils réalisent des choses qu'ils feraient mieux de ne jamais savoir ! poursuit le démon de plus en plus colérique, le corps tendu tant il est tourmenté. J'avais fait en sorte qu'ils soient tranquilles pour tomber amoureux l'un de l'autre comme je l'avais vu dans ma prédiction, mais là c'est du grand délire, rien n'interfère entre eux et personne ne les vois ! Pire encore, ils sont entrain de comprendre nos manipulations ! » termine-t-il furibond en s'agitant plus que de raison.

    Laïssion jubile et dans ses yeux, aussi noirs que sa chevelure, brillent les éclats du plaisir qu'elle éprouve à montrer pour la première fois de sa vie sa supériorité féminine à son homme. Elle s'approche de son oreille et lui susurre quelques mots tout en étant traversée par des ondes de satisfaction.

    « Commence par embrumer le cerveau d'Héléna, je suis sûre que le Grand-Tout n'a pas pensé aux petits sorts qui peuvent nous être tout autant utiles, suggère-t-elle crânement. Si c'est elle que tu veux, il est temps de te mettre à l'œuvre. Pour la suite écoute-moi bien... » chuchote-t-elle, du venin plein la bouche.

    Laïssion se penche encore plus contre l’oreille de Génard, se collant complètement à lui, moulant presque leurs deux corps pour n'en faire plus qu'un, et de peur que quelqu'un n'entende ce qu'elle lui dit, elle parle encore plus bas de sorte que Génard doit faire un immense effort de concentration pour l’entendre. Ses mots le font se redresser, reprenant son assurance habituelle ; chaque fibre de son être se gonfle de nouveau de toute puissante, de fierté. Il enlace sa femme et plonge son regard dans le sien.

    « Tu sais que tu iras loin toi ? J'ai épousé la plus sordide des démones. Gaffe-toi quand même à ne pas en faire trop », lui dit-il sur le ton de la menace, le regard pénétrant ; histoire de la jauger.

    «  Sait-on jamais ; se dit-il. On ne peut être sûr de personne et encore moins de nos proches, pense-t-il avec méfiance. Je dois absolument lui montrer que c'est moi le maître, même si j'ai perdu mes moyens et qu'elle en a été témoin ! Mais je dois aussi m'assurer son concours », s'avise-t-il plus conciliant. Alors sur un ton un peu plus doux il reprend

    « Je te laisse l'honneur d'aller en informer le patolitote de notre plan, pendant ce temps je m'occupe de la belle. Et ne reviens pas tant que tu n'as pas tout accomplis. » commande-t-il autoritaire.

    Pendant que Génard prépare les sortilèges pour Héléna, Laïssion s'éclipse dans les grottes pour accomplir sa mission.

    Le démon de son côté prononce ses incantations tout en regardant le résultat au travers de son grimoire. Il se régale de voir devant ses yeux l'histoire se réécrire comme il l'entend. Un énorme coup de tonnerre lui montre qu'il a enfin pris l'avantage sur le Grand-Tout. Il se frotte les mains de satisfaction. Il était tellement obnubilé par ses objectifs, qu'il n'avait pas pensé à ces tout petits riens qui pouvaient changer la donne.

    « Comme quoi, se dit-il ; il y a malgré tout du bon à être entouré d'une femme. » conclut-il pour lui-même tout en continuant à vérifier que tout se passe comme il l'entend.

     

    *

    Dans la grotte Héléna reprend la parole avec une pointe d'hésitation dans la voix. Elle se sent toute troublée et ne sait d'où provient cette sensation. Elle perd pied et sent une brèche s'ouvre en elle. Elle n'a jamais douté de sa vie et ne parviens donc pas à mettre un nom sur ce qui la traverse.

    « Je ne sais pas Victor. Je ne me suis jamais penchée sur la question. Quel est donc ce monde des Bisounours dont vous me parlez ? demande-t-elle d’une toute petite voix.

    - Oh rien de bien important. Il s'agit d'un dessin animé pour enfant où tout est amour. Un truc nunuche quoi. » dit-il avec dédain en haussant les épaules.

    En l'entendant exprimer son aversion pour les douceurs, Héléna sent de nouveau l'air affluer dans ses poumons. Elle s'accroche à cela pour sortir du bourbier dans lequel elle s'enfonce depuis quelques secondes. Jamais auparavant elle ne s'est questionnée sur ce qu'elle percevait et sur ce qu'elle est. Alors elle s'encourage en se connectant sur ses connaissances, elle se convainc que le manque de foi de Victor est responsable de ses déboires. De nouveau confiante dans les leçons qu'elle a reçues, elle se concentre sur l’idée, que, c'est parce qu'il est hermétique à l'amour qu'il ne peut entrevoir les belles choses qui l'entoure.

    « Victor pourquoi est-ce de l'eau de rose l'amour selon vous ? Pourquoi n'y croyez-vous pas ? Comment pouvez-vous nous voir si vous ne le voulez pas ? » demande-t-elle revigorée avec toutefois des pointes d'aigu dans la voix qui dénotent un certain malaise.

    « C'est en partie vrai, je ne suis pas très fort sur le fait d'aimer. C'est peut-être parce que je n'ai pas appris de la bonne façon. » Victor rit jaune, il est embarrassé de ne pas être sur la même longueur d'onde que la fée. « L’amour dont vous parlez, j’ai envie d’apprendre à le ressentir ; pourtant je suis sûr que vous aussi, on vous dupe, et que vous vous trompez sur certaines choses. Parce qu’en général quand on a des problèmes ça influe sur notre moral ; et si vous n'êtes pas capable de nous entendre, c’est que vous avez des choses à corriger, expose-t-il la voix posée et sereine. Vous devriez aussi pouvoir parler aux gens qui n'ont plus la foi. Sinon ne vous étonnez pas que Génard ait toujours le dessus sur vous ; poursuit Victor confiant en ce qu’il énonce et entraperçoit. En plus, quand on est dans la merde, on peut difficilement éprouver de l'amour ; parce que justement on broie du noir. Je crois que vos experts devraient un peu plus bosser sur le cerveau en concert avec des humains, parce qu'ils ne sont pas aussi doués que vous le dites » ; conclut-il en la fixant avec tendresse.

    Héléna sourit amoureusement. Elle est sur un nuage. Elle est comme dans une bulle où seuls elle et Victor existent. Elle l’écoute de plus en plus sûre d’elle.

    « Il a raison, pense-t-elle, le clan de la lumière doit revoir sa façon de considérer les humains. »

     

    *

    Génard voit rouge, le grimoire de nouveau réécrit l'histoire et ce qu'il lit ne lui plaît pas du tout. Le Grand-Tout une fois de plus est intervenu pour donner le discernement à la jeune fée ! Le démon lève les yeux au ciel et envoie une flopée d'injure à l'égard de son ennemi juré. Une pluie de coups de tonnerre et d'éclairs lui répond.

    « Je finirai par prendre le dessus », jure t-il en s'adressant au ciel.

    Alors, il revisite ses formules afin d'en trouver une plus puissante encore. Une onde de satisfaction lui parcourt le dos quand il trouve enfin celle qui peut le faire gagner. Il s'empresse de la mettre en œuvre et voit Héléna qui flanche de nouveau. L'onde de plaisir se propage dans chacune de ses cellules, un sourire de suffisance se dessine sur ces lèvres : cette fois-ci, il est sûr d'être le vainqueur !

     

    *

    Dans la grotte Héléna vacille. Son visage pâlit, elle a la nausée. Elle regarde Victor hébétée, se demandant bien ce qui lui arrive et commence à se poser des questions. Il s'empresse de la soutenir, mettant un bras autour de sa taille. Il tremble comme une feuille en la voyant ainsi, craignant qu'un démon ne l'ai blessé.

     

    *

    Génard qui regarde ce qui se passe, est persuadé d’avoir enfin atteint son but, il jubile ; et attend avec contentement la chute finale de la fée.

     

    *

    Héléna sourit faiblement à Victor tout en le rassurant et répond avec lassitude :

    « Ne vous inquiétez pas, je n'ai rien ! Je crois que ces révélations que nous découvrons ensemble me torpille plus que de raisons. Et même si de voir nos erreurs me rend malade, je constate que vous êtes dans le juste sur certains points ; dit Héléna en reprenant peu à peu des couleurs. Peut-être est-ce pour agir au mieux et faire des changements que Cupidon nous a réunis ! Vous avez certainement des choses à m'apprendre », convient-elle avec sagesse, tout en le mangeant du regard.

    Héléna est aux anges et expose sans retenu son bonheur devant Victor.

    « Partageons nos connaissances, nos croyances pour faire quelque chose de meilleur, dit-elle le cœur en liesse. Vous pourriez me guider pour que je sache mieux entendre et comprendre les humains ; finit-elle avec humilité.

    - Pourquoi pas ? lui répond Victor heureux de ce tournant dans sa vie, en l'enlaçant. D'autant que cet amour que j'éprouve pour vous me transporte. Je ne pensais pas qu'un jour je puisse dire cela. J'ai l'impression que je pourrais soulever des montagnes avec vous à mes côtés. » dit-il enthousiaste.

    Héléna boit chacune de ses paroles et goûte du bout des lèvres son prénom qu’elle aime dire et redire. Elle se serre contre lui et le prend par les mains tout en l'admirant sans retenue. C'est un homme grand, vigoureux ; il a au moins une tête de plus qu'elle. Les traits de son visage semblent taillés dans le roc. Son teint mat fait ressortir la couleur de ses yeux, d'un vert flamboyant. Héléna s'imagine déjà passer ses mains dans son épaisse chevelure.

    « C'est vraiment un bel homme, il mesure au moins deux mètres. Je n'avais encore jamais vu un métisse aux yeux verts et aux cheveux blond cendrés. Il a dû se les teindre. Ah mais peu importe ! Qu'il est beau ! Quel drôle de coïncidence que de le rencontrer là. », pense Héléna qui succombe de seconde en seconde à ses charmes.

    Elle le dévisage, les yeux pleins d’amour, remarquant que le cœur de Victor s’emplit de plus en plus de cette émotion. Elle est ravie de la tournure des événements ; loin de penser que Génard met tout en œuvre pour la détruire.

     

    *

    Le démon fait les cent pas dans sa tanière, encore sous le choc de voir que ses derniers sortilèges n'ont fait que feu de paille.

    Le temps à peine de se délecter d'un soupçon de victoire !

    Il était tellement sur de lui, que sa déconvenue en est d'autant plus grande ; et cette fois ci même le Grand-Tout n'est pas intervenu !

    « C'est impensable, hurle Génard. Ça ne va donc pas se terminer cette affaire ! Leur amour est tellement fort qu'ils parviennent à détourner mes sorts. C'est à vomir de les voir s'aimer comme cela !» dit-il écœuré.

    Génard se triture les mains, les traits déformés il a la moutarde qui lui monte au nez et son corps devient incandescent. Il déteste être démuni de la sorte. Tout son corps est tendu par la colère. Les yeux révulsés, il contient difficilement les petits sons rauques de rage qui s'évadent de sa bouche tordue par son échec. Il se résigne à contacter Laïssion, qui malgré tout lui a soufflé quelques bonnes idées ; même si pour le moment aucune n'a aboutit. Pourtant, il n'a pas dit son dernier mot. Le poisson est bien trop gros et il n'a pas envie de le laisser fuir. La démone se matérialise devant lui quasi instantanément et constate que son homme est décontenancé. Elle exulte et a bien du mal à le cacher ; alors d'une démarche chaloupé, elle va vers le bar et leur sert une double vodka frappée. Elle avale son verre d'un coup sec, tout en tendant l'autre à Génard.

    «  Tiens, un petit remontant, minaude-t-elle. Rien de tel pour le morale des troupes », dit-elle alors qu'il ingurgite le verre d'un trait et le retend à la démone pour qu'elle le resserve. « Que se passe-t-il ? » lui demande-t-elle masquant difficilement son impatience de le voir geindre encore une fois, en la suppliant de l'aider.

    «  Ça ne marche pas comme on veut. Quel que soit le sortilège que j'utilise leur amour est plus fort. Il me faut une autre idée ! Grogne-t-il en attrapant la bouteille et en buvant directement au goulot.

    - La jalousie, dit-elle spontanément en retenant difficilement la joie qui l'emplit de voir Génard à sa merci.

    - Quoi la jalousie ? demande-t-il hargneux.

    - Insuffle-leur de la jalousie. C'est un sentiment perfide qui peut mettre à mal leur amour et ainsi retirer leur protection ; lui répond-elle avec une voix aussi fourbe que tout son être.

    - Tu sais très bien que je ne peux pas atteindre Héléna avec ce type de sentiment ; lui répond-il avec mépris. Elle a presque finit son cycle d’apprentissage et même si j'ai réussis à la faire douter un peu, elle est prête à admettre ses erreurs, dit-il amer. C'en est écœurant de la voir ainsi encline à accepter qu'elle peut se tromper et s'en remettre ainsi à l'avis de l'autre ; finit-il en rage en tapant du poing sur le mur en face de lui.

    - Mais lui n'est pas intouchable ! Tu le sais bien, assure-t-elle pleine de mauvaiseté. Mets le paquet, ça va le déstabiliser et ouvrir un gouffre assez grand qui va les atteindre tous les deux, ainsi nous pourrons mettre le reste du plan à exécution. » lui répond-elle d’un ton très assuré.

    Le démon regarde Laïssion avec intérêt. C'est vrai que jusqu'à lors il voulait passer par Capucine ou Héléna pour mettre son plan à exécution, mais il n'avais pas envisagé de passer par le biais de Victor.

    « À n'en pas douter ma femme est experte en matière de zizanie », pense t-il.

    Il se rassure avec cette idée pour ne pas perdre la face. Il est tout puissant et refuse que quiconque ne le coiffe au poteau !

    « En matière de cruauté féminine tu es fortiche ! Concède-t-il mi-figue mi-raisin. C'est donc toi qui t'amuse à créer autant de malveillance entre les femmes pour qu'elles se crêpent le chignon ? lui demande t-il presque pas étonné.

    - On s'occupe comme on peut ! Ça m'amuse et je m’ennuie moins ; dit-elle en riant comme une gamine pleine d’intentions flippantes.

    - Ouais, répond-il sur la réserve ; en tous les cas ton expérience nous sert à quelque chose aujourd'hui, admet-il plein de cruauté. C'est vraiment étrange votre façon de fonctionner à vous les femmes. Je ne pensais pas que les démones étaient comme les humaines ; fait-il remarquer avec dérision.

    - Non c'est l'inverse chéri ! répond-elle mielleuse. La noirceur dans le cœur de certaines femmes est le résultat de mon œuvre : j'essaie de les modeler à notre image ! C'est dommage, je n'arrive pas toutes à les atteindre, mais je ne désespère pas d'y parvenir un jour ; répond-elle, se délectant de ses actes ignobles.

    - Tu m'en diras tant ! dit Génard avec Dédain. Mais à l'avenir j'exige que tu me parles de tes moindres faits et gestes ! l’avertit-il redoutable en la surplombant de toute sa carrure. Je déteste que qui que ce soit prennent des initiatives sans m'en demander la permission ! Pour cette fois ça passe ; dit-il agressif. D'autant que je vais me servir de la masse d’énergie accumulée depuis que tu as insufflé la jalousie pour lancer le sort décisif contre Héléna et Victor. Et quand tout ça sera fini, tu me feras le plaisir de me faire la liste de tous les égrégores, autres que celui-là, dont tu es l'instigatrice ! lui ordonne-t-il le regard menaçant.

    - Rien que ça ! Et pourquoi devrais-je te les partager ? demande-t-elle tout en le défiant les yeux plein d’éclairs.

    - N'oublies pas à qui tu t'adresses Laïssion ! Tu pourrais en découdre si tu ne te plies pas à ma volonté ! » répond-il hostile.

    Elle le regarde interrogative et voit dans ses yeux la confirmation de ses propos.

    « Du calme l’ami ! C'était juste une petite touche d'humour, répond-elle sur un ton enjoué, voyant qu’il serait dangereux pour elle de lui montrer ses réelles intentions. À priori même ça aussi tu y es réfractaire aujourd'hui ! » termine-t-elle sur le ton du badinage.

    Le laissant dans ses recherches de sortilèges, elle se volatilise sur cette dernière réplique et Génard ne peut lui dire un mot de plus. Il consulte son grimoire, agacé par l’impertinence de Laïssion, tout en se jurant de s'occuper de son cas dès que tout sera fini. Ses yeux se posent sur une série de formules qui met tous ses sens en alerte. L'onde qu'il avait ressentit auparavant se propage dans les moindres des particules qui constituent les cellules de son corps. Les coups de tonnerre, d’une violence inouïe, qui suivent, lui confirme que cette fois-ci, il est dans la bonne direction. Il ne traîne pas, craignant que le Grand-Tout le contre ; et prononce d'une voix forte et rauque les incantations ; puis observe depuis son repère ce qui se passe dans la grotte.

     

    *

    Victor gonfle le torse, ce qui lui donne une allure de géant ténébreux ; laissant l’impression qu’il va presque toucher le plafond et engloutir la fée. Les pupilles d’Héléna se dilate à cette vue, ressentant une sensation d’écrasement.

    « Il y a tout de même des choses qui me tarabustent. Pourquoi n'usez-vous pas de vos belles connaissances pour vous-même ? s’enquière-t-il avec suffisance tout en la regardant de haut. Il me semble que vous aussi, vous avez un ange sur votre épaule gauche et un démon sur celle de droite qui se disputent la première place. Sinon vous n'en seriez pas là ; affirme Victor dans un élan de toute puissance, une lueur démoniaque dans les yeux.

    - Je n'ai pas cette sensation Victor. Nous agissons avec sagesse ; réplique Héléna timidement, pleine d'incompréhensions en voyant le changement soudain d'attitude de son compagnon.

    - Alors pourquoi avoir besoin de moi ? Vous voyez-bien que vous n'êtes pas au-dessus de tout. D'autant que vous n'avez pas su m'aider. Ça montre bien que vous avez de sérieux problèmes à résoudre », réplique-t-il de plus en plus imbu de lui-même. Disant cela, il se grandit encore plus, encapuchonnant de toute sa puissance Héléna.

    «  Mais je ne me sens pas supérieure à quiconque ! » affirme la fée qui se sent prit en faute et sens les prémices de la culpabilité s’insinuer en elle. « Je sais juste que le Grand-Tout nous guide et notre union doit être très importante pour lui, répond-elle de plus en plus dérouté.

    - Peut-être qu'il nous a réuni pour que je vous enseigne et vous montre vos erreurs, analyse-t-il avec perversité avec un sourire ironique accroché à ses lèvres. Vous avez les bons mots en tête mais pour ce qui concerne leur mise en application, vous êtes zéro pointé. Vous êtes une jeune fée et vous devez avoir encore beaucoup de choses à apprendre, lui expose-t-il en la rabaissant encore plus. Le Grand-Tout doit vous envoyer tous ces messages pour vous et non pas pour les autres. »

    Victor appuie bien chaque mot, cherchant à bien anéantir la confiance d’Héléna. Son regard s'assombrit de plus en plus, ses sourcils se froncent et son nez palpite de cette toute puissance qui l'envahit.

    «  Sincèrement Victor nous avons la chance de par notre environnement de ne pas avoir de problèmes à régler avec nous-même, mais je veux bien en votre présence en référer au conseil des sages afin qu'ils nous aident et me disent si j'ai des choses à changer. » affirme-t-elle d’une voix chevrotante.

    Héléna ne comprend pas ce qui arrive, elle se sent comme une petite fille se faisant gronder. En plus, Victor a un comportement étrange, comme s'il voulait la dominer. Elle commence à perdre le contrôle d'elle-même et perd de sa belle assurance. Dans son cœur quelque chose se brise laissant fuir peu à peu la lumière qui s'y trouve.

    «  Vous semblez humble et savoir vous remettre en question. J'apprécie ces qualités. Je n'avais jamais vu quelqu'un en faire preuve à ce point. À voir si cela est une réalité ou si vous me jouez un jeu, dit-il de plus en plus suspicieux.

    Victor... » commence-t-elle suppliante.

    Il ne la laisse pas finir sa phrase, satisfait d'avoir pris quelques ascendances sur la fée et se penche vers elle pour lui déposer un baiser sur ses lèvres.

    « C'est bizarre, pourquoi ai-je ainsi envie de la dominer ? Me cacherait-elle quelque chose ? Elle doit-être jalouse de moi et je dois rester vigilant même si ce que je ressens pour elle est très fort. En fait le Grand-Tout a certainement besoin de moi pour la remettre sur le bon chemin. Les êtres magiques se plantent complètement et devraient écouter les paroles qu'ils diffusent et les mettre en application pour eux-mêmes au lieu de vouloir nous convertir. » pense-t-il l’esprit de plus en plus obscurcit par les envoûtements du démon.

     

    *

    Génard depuis son repère observe les agissements de Victor et écoute ses pensées. À force de fouiller dans les grimoires, il a trouvé un sort que Laïssion a inventé pour semer la jalousie dans le cœur des humains ; il s’en est servis pour glisser le doute dans celui de Victor. Le démon exulte car enfin les événements tournent à son avantage.

    « Le Grand-Tout n’a pas pris au sérieux ces quelques envoûtements créés par Laïssion et il a bien eu tord sur ce coup là », jubile-t-il intérieurement tout en observant la scène d’un œil glacial.

    Mais il ne crie pas victoire trop vite, d’autant que l’autre là haut lui a déjà joué pas mal de sales tours ; alors avant que de nouveau la situation se renverse ; il entre en contacts avec ses sbires qui se trouvent dans la grotte.

    « Il est temps de passer à la vitesse supérieure avant que le Grand-Tout trouve une parade et reprenne le contrôle de la situation », annonce-t-il au patolitote et à Laïssion qui attendent le feu vert pour mettre le reste du plan à exécution. « Action, dit-il d’un ton tranchant et on on se grouille. » termine-il impatient d’en finir avec ces histoires. La foudre qui tombe autour de lui sans discontinuer, confirme que c'est bien lui qui mène le jeu.

     

    *

    « Quoiqu'il y ait à faire pour nous harmoniser Victor, je suis prête à le faire. Ensemble nous pouvons aller très loin », exprime la fée naïvement.

    Malgré l'attitude de Victor, elle reste confiance ; persuadée que son changement d'attitude n'est du qu'à des réminiscences de sa vie en tant que démon.

    « Ce baiser ne fait que ne fait que confirmer mon ressentit, poursuit-elle timidement. Je veux le meilleur pour nous et je suis disposée à tout pour que nous soyons heureux ensemble », dit Héléna qui retrouve un souffle de foi et quelques couleurs sur ses joues qui étaient jusqu'à lors de plus en plus blêmes.

    - Si vous le dîtes, rétorque Victor comme s’il parlait à une moins que rien. Vous êtes touchante avec vos propos. Nous verrons lorsque nous serons devant le conseil des sages jusqu'à quel point vous voulez le meilleur, poursuit-il retors. À ce moment-là je pourrais peut-être vous donner toute ma confiance.

    - Vous doutez encore Victor, mais si vous avez besoin de cela pour être convaincu, je m'incline volontiers devant votre désir, déclare-t-elle pleine de candeur. Si nous devons œuvrer côte à côte, il est essentiel de mettre tous les atouts de notre côté ; dit Héléna avec gravité.

    - Je suis tout à fait d’accord. » répond-il une pointe de supériorité dans la voix.

    Comme pour sceller ces dernières paroles, Victor lève le menton d'Héléna pour l'embrasser de nouveau, quand quelque chose le fait vaciller.

    « Nooooon. »

    Héléna hurle à perdre haleine. Victor vient de s'effondrer devant elle.

    Les yeux rivés sur lui, qui reste inanimé par elle ne sait quel coup du sort, elle bafouille des mots inintelligibles. Le cœur déchiré, elle ne contient pas la tristesse qui l'envahit, ce qui a pour effet d’agrandir la brèche que Génard a ouverte dans son cœur. S'agenouillant devant Victor, elle le prend dans ses bras et lui parle comme s'il pouvait encore l'entendre.

    « Reviens. Je t'en supplie. Ne pars pas. Nous avons encore tant de choses à partager. » pleure-t-elle.

    Mais Victor reste sans vie. Toute la magie d'Héléna ne peut rien contre cela. Sous le poids de la souffrance son regard vacille, en même temps qu’entre insidieusement en elle la colère. Laïssion en profite pour pénétrer dans sa tête et lui insuffler le doute d'un ton suave et doucereux.

    « Regarde autour de toi. Il n'y a qu'une personne capable de te nuire par jalousie : ta sœur Capucine. Tu le sais au fond de toi. Elle a toujours voulu te supplanter. Il est temps pour toi de prendre la place qui te revient. »

    Héléna ensorcelée par la voix, jette un coup d'œil autour d'elle et aperçoit sa sœur qui combat non loin de là. Capucine semble bouleversée, mais Héléna ne fait pas ce constat, car sa vue est voilée ; et ses perceptions pervertis par Laïssion. Alors, elle ne perçoit que de la cupidité et l'envie dans l'attitude de sa sœur. Héléna se raidit, ses yeux se plissent, son visage est impassible ; tandis qu'à l'intérieur tout en scrutant sa sœur, bouillonne en elle des déferlantes de ressentiments, qui l'emportent en des terres inconnues.

    Capucine sait être la cause du désarroi d'Héléna, Elle a vu le sort qu’elle a jeté sur son adversaire ricocher sur une stalagmite, puis aller frapper en plein cœur l’homme avec qui Héléna parlait. Sur le coup elle n’y a pas prêté plus d’attention, ne sachant pas ce qui se tramait entre ces deux-là. C’est en entendant le désespoir de sa sœur qu'elle a réalisé l'impact qu'avait eu le détournement de son sortilège. Aussi, délaisse-t-elle son combat au risque de se faire tuer, pour rejoindre Héléna. D'un pas déterminé elle se dirige vers sa sœur pour la réconforter et lui demander pardon pour cet acte malencontreux. Mais Héléna ne veut rien entendre. Sa souffrance et le poison distillé par Laïssion l'aveuglent ; et elle a besoin d'un coupable. Elle regarde Capucine haineusement, les yeux meurtriers et lui hurle des mots injurieux.

    « Sale garce ! Tu as tué Victor ! lance-t-elle à Capucine, les trait déformés par la malveillance qui grossit en elle. Je ne veux plus jamais te voir. Tu n'es qu'un monstre », continue-t-elle d'un ton où le tourment fait rage.

    Sur le visage d'Héléna, les émotions se succèdent tour à tour ; affichant le désespoir, la tristesse, le pardon, la haine. Dans son subconscient émerge un soubresaut de lucidité qui lui dit que non, sa sœur ne peut avoir commit un tel crime. Elle se sent étouffé par les sanglots, naviguant entre deux eaux et ne sachant plus que penser.

    « Que m'arrive-til ? pense-t-elle complètement perturbée par son propre comportement.

    Capucine sent le dilemme qui anime sa sœur et tente de s'approcher d'elle pour le réconforter et lui parler, mais une force l'en empêche.

    « J'ai l'impression qu'Héléna est tellement au prise avec ses émotions qu'elle a créé un champ magnétique qui m'empêche d'être auprès d'elle ; pense Capucine. C'est bizarre, je ne lui connaissais pas cette force. Elle devait vraiment l'aimer et ce foutu sort l'a tué ! À cause de moi en plus ; c'est horrible ; se dit-elle la gorge serrée. Je dois absolument réussir à traverser ce bouclier, mais comment faire ? » s'interroge-t-elle troublé par ce qui se passe.

    Capucine regarde sa sœur pleine de compassion et tente de son mieux de lui faire comprendre que son geste n'était pas volontaire, que ce n'est pas Victor qu'elle visait. Elle veut lui dire qu'il était destiné à son adversaire et qu'elle ne sait vraiment pas comment il a pu ricocher ainsi.

    « Certainement à cause de ces saloperies de stalactites qui changent de place constamment ; » se dit Capucine tristement.

    Elle parvient à rencontrer le regard d'Héléna, qui semble perdue et se poser un nombres incalculable de question. Alors Capucine, avec amour, envoie des ondes positives vers sa sœur et les images de ce qui s'est vraiment passé.

    Héléna commence à comprendre et son expression se radoucit. Elle se demande comment elle a pu éprouver autant de rancœurs envers sa sœur. Elles qui ont toujours été si unies ; même dans les moments les plus terribles de leur vie, comme la mort de leur parent. Héléna sent la barrière invisible qu'elle a érigé fondre et s'apprête à rejoindre sa sœur ; quand tout à coup ses pupilles se dilatent, ses poils se dressent sur sa peau, son cœur cogne fort dans sa poitrine et son, regard se noircit.

     

    *

    Quand Génard a vu le revirement de situation il était à deux doigts de péter un câble. Héléna dotée du discernement et sans intervention divine, c'était plus qu'il ne pouvait en supporter ! Du reste, ça l'a tellement déstabilisé qu'il en est devenu hystérique et à réduit en cendre la bagatelle de sept ou huit patolitotes.

    Il était complètement pris au dépourvu et s'apprêtait à renoncer à son plan quand il a vu Laïssion intervenir avec finesse et utiliser la brèche du doute pour distiller une bonne dose de venin. Il en revient pas lui-même. Cette démone l'air de rien est pleine de ressources et il doit bien en convenir, si ça marche, il devront leur victoire à Laïssion. Très attentif Génard observe la suite des péripéties qui se déroulent dans la grotte avec grand intérêt.

     

    *

    Héléna vacille, elle a le tournis tandis que ses yeux horrifiés transperce sa sœur. Le choc, provoqué par ce regard, inonde Capucine qui est prise de nausées.

    « Que se passe-t-il ? se demande-t-elle. Nous étions à deux doigts de nous réconcilier », se dit-elle abasourdit.

    Laïssion restée dans la grotte après avoir commis son forfait, entre de nouveau insidieusement dans la tête d'Héléna. Mais cette fois ci avec perversité et sous les traits de Victor.

    « Héléna, ma chérie ; écoute-moi ! » invite sa voix dans la tête de la fée.

    Elle tend l'oreille, aux aguets. Victor est là, sûrement coincé car il n'a pas finit sa mission sur terre. La voix lui confirme cette prémonition, en lui disant qu'il était là pour rétablir la vérité.

    Héléna fonce les sourcils et demande au fantôme de Victor avec qui elle engage une conversation télépathique :

    « Mais quelle vérité ? Explique toi, l'implore-t-elle.

    - C'est Capucine qui m'a tué, affirme-t-il.

    - Mais que dis tu ? Elle vient de me montrer les images de ce qui s'est passé et son sort a ricoché sur une stalactite., dément-elle surprise que Victor veuille mettre sa mort sur le dos de sa sœur.

    - C'est ce qu'elle voudrait te faire croire mon amour. Mais ta sœur a vu que notre union nous rendrait invincible et nous permettrait de ramener la paix sur Terre ; et que de ce fait nous hériterions du trône ; dit-il d'une voix baignée de désespoir.

    - Ne dis pas de sottise. Capucine aurait été heureuse de nous voir ensemble, j'en suis sûre et elle est dépourvue de jalousie ; lui dit-elle estomaquée par les propos de Victor

    - Est-ce que tu me fais confiance Héléna ; interroge-t-il le ton anxieux.

    - Totalement, lui répond-elle sous le charme de l'homme qu'elle aime.

    - Alors regarde », lui dit-il en lui montrant ce qui s'est vraiment passé dans la grotte.

    Héléna voit le film se dérouler devant ses yeux, elle a le cœur au bord des lèvres et au fur et à mesure de sa vision, se distille en elle l'animosité envers sa sœur. Quand elle ouvre de nouveau la bouche, s'en est finit de son combat interne. Elle sait ce qui s'est réellement passé.

    «  Tu as vu que nous nous aimions alors tu as tué Victor ; vocifère-t-elle. Je ne pensais pas qu'un jour ma propre sœur voudrait prendre ma place ; dit Héléna en colère.

    - Mais non Héléna, ne dis pas d'idioties, c'est un accident ! la supplie Capucine attristée que sa sœur puisse penser cela. Je te l'ai montré, dit-elle la voix perchée par la stupéfaction.

    - Menteuse ! Tu n'es qu'une sale ordure, crache Héléna injurieuse. J'aurais dû me méfier de toi. Je peux t'assurer que tu me paieras ton acte au centuple. Je vais te détruire. Assassin ! continue-t-elle d’un ton effrayant.

    - Héléna, je t'en conjure. Tes propos sont totalement incohérents. Jamais je n'ai voulu te faire...implore Capucine atterrée.

    - TAIS TOI, » Héléna furieuse regarde sa sœur de haut, menaçante, ses yeux jettent des éclairs. « Et en plus tu me traite de demeurée. Tu veux me détruire totalement, c'est ça ? crie-t-elle sur la défensive sans même se rendre compte qu’elle reproduit à l’identique le comportement qu’avait eu quelques temps plus tôt Victor sur elle.

    - Héléna, je n'ai jamais dit ça. Je t'en supplie, écoute... demande Capucine brisée par les mots sa sœur.

    - Toi tu vas te taire une fois pour toute ! lui dit Héléna d'une voix dure. Sinon je te jure que tu ne vivras pas une seconde de plus. » la menace-t-elle complètement aveuglé par les images que fantôme de Victor lui a envoyé.

     

    *

    Génard observe la scène repu. Le silence, lourd et plombant qui a suivit l'intervention succulente de Laïssion lui prouve au centuple qu'il a gagné le combat contre le Grand-Tout. Il s'installe confortablement sur son fauteuil, prend la bouteille de Vodka qui se trouve sur le guéridon à côté de lui et se sert une triple rasade dans un verre à champagne. Il se marre intérieurement de cette subtilité que peu de personnes comprennent et regarde les deux sœurs se crêper le chignon au paroxysme de la jouissance.

     

    *

    Héléna hurle de plus en plus fort, pleine de rage envers sa sœur, et plus cette colère grandit plus son cœur se ferme.

    Sous ses propos accusateurs, Capucine ne peut retenir le flot de larmes qui ruisselle sur son visage. Partagée entre la culpabilité qui la gagne, le désespoir de voir sa sœur la renier ainsi, elle tombe à genou. Elle supplie Héléna de revenir à la raison et de lui pardonner.

    Mais Héléna est de plus en plus impitoyable et ne flanche pas. Elle l'abreuve encore plus d'insanités, le regard inflexible et noir de colère.

    Capucine est transpercée de douleur. Elle a la sensation que des pieux s’enfoncent profondément dans son âme, dans tout son être.

    Plus elle sombre dans la douleur, plus les propos d'Héléna sont monstrueux. Plus les propos d'Héléna sont horribles, plus Capucine sombre dans la souffrance, formant un cercle infernal qui se nourrit de lui-même.

    Héléna satisfaite, regarde le malaise s'enraciner dans le cœur de sa sœur et voit émerger dans son esprit le doute.

    Capucine totalement démunie ne peut détacher son regard de cette inconnue qui voit le jour devant elle. Elle flotte dans un état brumeux et des sensations étranges la gagnent. Elle-même ne se reconnaît déjà plus. Ses tentatives de démontrer à Héléna qu'il s'agit d'un accident sont vaines, elle ne veut plus rien entendre.

    « Tu as assassiné Victor, assène une fois de plus Héléna. Ne te cherches pas de fausses excuses. Je vais te faire regretter ce meurtre ! » prévient-elle furieuse. Puis dans un dernier ricanement cynique elle se détourne et part d’un pas vengeur vers la sortie.

    Capucine hagarde, regarde l'endroit où sa sœur a disparut complètement ébranlée par les calomnies que lui a proféré Héléna. Le teint blafard, elle s'adosse à une parois de la grotte et s’effondre en larme. Elle n'arrive pas à endiguer le flot de sanglots qui secoue tout son corps. Elle balaye des yeux les lieux et s’aperçoit de l'étrange silence qui l’entoure. Elle constate que curieusement les combats ont pris fin. En tout état de cause, elle sent que l’ombre a pris le dessus.

    Non loin d'elle un patolitote rit sous cape.

    « Pourquoi ce monstre reste-t-il dans les parages à me regarder ainsi, avec son rire patibulaire ? » se demande-t-elle désenchantée.

    Elle voit dans les yeux du patolitote une lueur machiavélique et réprime un mouvement de dégoût en le regardant. Elle n’aime pas ces êtres qui ressemblent à des céphalopodes ; avec leur corps visqueux, recouvert de pustules, dont leur épiderme suinte en permanence d'un liquide qui fait penser à de la bave d'escargot.

    Les patolitotes ne mesurent pas plus d’un mètre soixante. De forme humaine, ils n’en-ont que l'apparence, car de près ils sont vraiment hideux à voir. Deux énormes yeux globuleux jaillissent de leur tête, d'où partent de nombreuses tentacules. Leurs membres sont informes et il n'y a ni mains ni pieds à leurs extrémités, ce qui leur donne une démarche pataude ; de ce fait, quand ils tentent de marcher ils trébuchent tout le temps, alors ils ne se déplacent qu'en se téléportant.

    Un sourire enfantin se dessine sur les lèvres de Capucine, en se remémorant une scène où elle avait vu un patolitote se déplacer avec ses jambes. Il devait faire un immense effort de concentration pour avancer. On eut cru qu’il marchait sur la lave d’un volcan tout juste sorti de son cratère. Le patolitote en question avait pour mission d'introduire les troupes ennemies. Génard lui avait donné une forme plus humaine pour l'occasion. Il avait juste omis un détail de taille : quelle que soit leur apparence, les patolitotes ne peuvent pas marcher sans se trahir. Très vite confondu, il avait été renvoyé dans ses pénates en deux temps trois mouvements. À ce souvenir un rire franc illumine Capucine dissipant partiellement son mal-être.

    « Heureusement ces êtres ne supportent pas la lumière, ce qui les confinent au maximum dans les grottes. Je détesterais en voir tout le temps », pense-t-elle anéantit par les événements.

    Même la lueur d’une lampe horrifie les patolitotes, c'est entre autre pour cela que les fées ont parsemé les souterrains de lucioles magiques, afin de les évincer au maximum de cette bataille. Les patolitotes devaient faire preuve de ruse pour rester dans les coins sombres de la grotte afin de pouvoir participer à cette lutte entre les deux clans.

    « Ce qui du reste n’a pas été trop difficile pour eux tant les lieux sont immenses », songe Capucine. « Il suffit ! Je ferai bien de sonder l'esprit de ce patolitote au lieu de laisser encore mon esprit dériver ! » se ressaisit-elle.

    Joignant l'acte à la pensée Capucine ouvre ses perceptions pour entrer dans la mémoire de cet être répugnant, afin de lire ce qui le fait ainsi jubiler. Son visage, au fur et à mesure qu'elle voit les événements, devient livide, son corps glacial faisant se dresser tous ses poils, en même temps que la culpabilité qu'elle éprouve se dissipe quelque peu. Elle est soulagée par cette révélation, qui lui retire la responsabilité de la mort de Victor. En effet, elle a pu lire dans la mémoire du patolitote que c'est lui qui a dévié le sort de Capucine pour tuer Victor. Malgré tout, elle ne peut réprimer un haut le cœur à cette vision.

    « Cela ne solutionne pas pour autant le problème, à savoir comment dire à Héléna que nous avons toutes les deux été dupées ? » se dit-elle interloquée.

    En même temps qu'elle s'enfonce dans ses réflexions concernant les manigances de cet être infâme, elle reçoit d'autres images qui l'a terrasse sur place. Elle voit Laïssion entrain de prendre l'apparence du fantôme de Victor et transmettre à Héléna des images mensongères sur la façon dont ce sont déroulés les faits. Elle ne peut réprimer un haut le cœur et manque de peu de vomir. Le visage livide, elle observe le patolitote ; et sous son regard contrit, elle le voit disparaître emportant avec lui son rire lugubre. Même si elle est habituée à voir ces êtres se dématérialiser ainsi, Capucine ne peut réprimer un sursaut tant elle est bouleversée.

    « Quel fourbe ! Non seulement ces démons détournent le sort et me font porter la responsabilité aux yeux d’Héléna mais en plus ils se délectent de me le faire savoir. Ainsi donc ce combat était un guet-apens, dans l'unique but de me séparer de ma sœur, pense-t-elle horrifiée. Mais pourquoi me le faire savoir ? Comment les combattants de l’ombre ont-ils pu prévoir qu’Héléna tomberait amoureuse de Victor ? C'est certainement ce fameux Génard dont nos parents nous parlaient qui a tout manigancé ! » pense-t-elle la mort dans l'âme.

    Capucine dégoûtée repense à ce que disaient ses parents au sujet de ce grand mage noir :

    « Il peut lire dans l’avenir au travers des yeux des crapauds. Pour cela il en tue régulièrement et leur arrache les yeux dans lesquels il peut faire ses prédictions. Heureusement ses dons médiumniques s’arrêtent à voir dans les combats de sorte que nombre de nos actes restent secrets. Mais rappelez-vous tout de même, que pour ce qui concerne les combats, rien, absolument rien, ne peut lui être caché ; même vos plus profondes pensées, mêmes vos sentiments les plus intimes lui sont accessibles ! Nous savons aussi qu'il possède un grimoire magique, mais ne connaissons pas l'ampleur de son pouvoir. » avaient-ils expliqué à leur fille d'une voix tragique en les alertant sur les dangers de ce démon.

    Ce jour-là, ils leur avaient aussi montré une photo de Génard à elle et à sa sœur. Capucine qui s'attendait à voir un être immonde, avait été étonnée de voir à quel point il est très beau : brun, les yeux noisette, il mesure près d’un mètre quatre-vingt-dix. Il a un corps très athlétique additionné a une aura très charismatique et il fait fureur auprès de la gente féminine. Mais pour qui sait lire au-delà de son apparence angélique, transparaît toute sa laideur.

    « Cet être est tellement empli de noirceur, qu’il n’hésite pas à envoyer un des siens à la mort pour satisfaire à ses plans ! pense Capucine. Je me demande tout de même dans quel intérêt il a tenu à ce que je sache ce qui s'est réellement passé » ; s’interroge-t-elle la gorge serrée sans même s’apercevoir de l'incidence de cette révélation sur son moral.

    Malgré tout ce qu'elle vient de découvrir, le doute s'insinue en elle, laissant s'installer une dualité qu'elle n'a encore jamais éprouvé. Elle s'affaisse sur elle-même, complètement submergée par le sale coup que leur a joué Génard.

    Capucine rassemble tant bien que mal ses idées ; et la démarche fragile elle se décide à partir en quête de ses comparses afin de trouver une solution, pour tenter de remettre de l’ordre dans le désaccord d’avec se sœur. Quand elle les rejoint, elle ne peut que constater qu’ils sont tous décontenancés par la fin subite du combat. Alors, elle leur révèle tout ce qu'elle même vient d’apprendre. C'est dans la consternation et le brouhaha le plus total, que tous accueillent ses explications.

    Séance tenante, Xsanda décide d'une réunion extraordinaire, sans même prendre la peine de quitter le champ de bataille ; tant il a la conviction que leurs adversaires ne reviendront pas de si tôt.

    « Souvenez-vous de la prédiction d’Aurore, faite il y a de cela plusieurs centaines d’années ; commence-t-il mystérieusement en s'adressant aux siens.

    - Quelle prédiction ? Et qui est Aurore ? demande Capucine très inquiète.

    - Toi et Héléna n’étiez pas encore nées quand nous en avons parlé en conseil des sages et nous n'avons jamais pensé à vous le révéler ; dit Xsanda accablé. Cela a été une erreur de notre part. Nous aurions peut-être pu éviter cette fin tragique. Enfin rien ne sert de vivre dans les regrets ni de faire des suppositions. Vous parler d'Aurore, de sa vaticination n'aurait peut-être rien changé, poursuit-il avec résignation. Aurore était une humaine qui vivait dans la forêt de Brocéliande en France. Elle avait outre des pouvoirs de guérison exceptionnels, un don médiumnique fort développé. Je pense qu'il est grandement temps que tu en saches plus à son sujet. »

    Xsanda qui est le tuteur de Capucine et Héléna se sent écrasé par ce qui se passe. Lui qui mesure près d’un mètre quatre-vingt-dix se sent rapetisser sous le poids de la nouvelle. Malgré toutes ses précautions, il n'a pas pu éviter le drame qu'avait prédit Aurore.

    Xsanda, avec son physique, a beaucoup de succès auprès des femmes-fées et brise des cœurs à son corps défendant. Mais il n’a eu qu’un amour, la mère des jumelles, qu’il a toujours chéri en secret ; et jamais encore qui que ce soit n’a réveillé en lui de telles émotions. Malgré son poids assez conséquent, il avoisine les cent-deux kilos, il a beaucoup de prétendantes. Certainement que les fées craquent pour lui du fait du paradoxe qu’il incarne, avec sa stature immense et son visage de chérubin que lui donne son visage rond, ses yeux verts fins et étirés pourvus de longs cils noirs et ses cheveux dorés.

    Quand il reprend la parole, il donne l’impression d’avoir vieillit de près de dix ans tant son visage est marqué par les perspectives à venir.

     

    * Xsanda *

     

    Aurore était une grande prêtresse appréciée de tout le clan dans lequel elle vivait. Sa réputation dépassait les frontières de son pays. Même sa stature en imposait, elle mesurait près d'un mètre soixante-douze et pesait presque quatre-vingt kilos. Elle avait une ossature épaisse et pas une once de graisse. Noire de peau, elle était la première druide originaire d'Afrique, ce qui en faisait une excellente praticienne, car elle avait réussis à combiner ses savoirs ancestraux avec ceux de sa nouvelle appartenance. C'était une femme d'une douceur infinie qui consacrait sa vie au service des autres. On venait la voir de loin pour la consulter, demander des conseils avisés. Ses voyances tombaient toujours juste et ceux qui ricanaient et occultaient ses dires s'en mordaient régulièrement les doigts.

     

    C'est lors d’un conseil des druides, qui se tenait tous les trois mois à la pleine lune, qu'elle avait fait sa vaticination qui a traversé les siècles. Les participants venaient à peine de fermer le cercle et fini d'allumer le feu sacré, quand ; avant même que le maître de cérémonie annonce l’ouverture de l’assemblée ; elle s'était levée en brisant le cercle ; sous les protestations consternées des membres présents. Le regard vague, elle avait porté ses mains sur le cœur et s'était dirigée tout droit vers le foyer, dans lequel elle est entrée, provoquant des exclamations horrifiées de ses congénères. Là, elle s'est tenue debout au milieu des flammes, sans même être atteinte par elles et avait commencé à parler d’une voix tremblante d’émotion où transperçait une peine profonde.

    « Les sœurs seront séparées. Alors le ciel s’obscurcira pour la seconde fois. Seule la venue des cinq pourra les réunifier. Seule leur venue pourra ramener amour et paix sur Terre. » annonça-t-elle d’un ton funeste et rauque.

    En plus d'être subjugué par Aurore, qui se tenait là, au milieu des flammes, l'assemblée était à l’écoute de cette prophétie, comme hypnotisés. C'était surréaliste, jamais encore quelqu'un n'avait traversé le feu sans être brûlé ! Or, là, les flammes se contentaient de caresser la grande-prêtresse sans lui causer la moindre brûlure. Si jusqu'à lors on la respectait, aujourd'hui le message était clair : cette femme les surpassait tous et la vaticination devait être importante pour qu'elle se déroule dans de telles circonstances. Personne n'osait bouger de peur de rompre le charme et de voir Aurore brûler vive. Mais il fallait en savoir plus, alors le maître de cérémonie l'interrogea.

    « Aurore savez-vous de quelles sœurs il s'agit ? Nous devons en apprendre d'avantage ! demanda-t-il stupéfait par ce qui se passait devant ses yeux tout en se demandant s'il n'était pas l'objet d'hallucination.

    - Non ; la seule chose que je sais est qu'elles sont issues du monde magique. Par ailleurs, si les sœurs sont séparées, il faudra de nombreuses années avant que tout ne rentre dans l'ordre. Il est donc important de faire en sorte que les sœurs restent toujours unies ; avertit Aurore toujours en transe.

    - Et qui sont les cinq Aurore ? demanda le maître de cérémonie intrigué par ces propos tout en écarquillant les yeux de voir la prêtresse au milieu du feu comme si de rien n'était.

    - Ce sont des enfants humains qui arriveront aux heures les plus sombres. Mais rien ne sera gagné pour autant, car Génard mettra tout en son pouvoir pour empêcher leur venue. » lui répondit-elle d'une voix caverneuse.

    La conversation étrange dura ainsi pendant plusieurs minutes, puis Aurore leva les yeux au ciel, tendit ses mains vers lui dans une offrande muette et sortit des flammes dans un grand naturel. Elle s'ébroua, comme le ferait un animal qui sort de l'eau et sa voix se fit plus claire en même temps qu'elle reprenait ses esprit consciente de ce qui venait de se passer.

    « Nous devons faire en sorte que cette prophétie soit connue de par le monde. Si elle venait à se réaliser, la Terre connaîtra beaucoup de chaos avant que les cinq n’arrivent » ; dit-elle en état d'alerte, le teint rendu écarlate par les visions d'horreurs qu'elle avait perçues. « Nous devrons les protégés, sous peine que jamais la paix ne revienne. Il est essentiel de mettre un émissaire dans chaque contrée où naîtront les cinq afin de les préparer à combattre.

    - Aurore je vous laisse mener à bien cette mission ; lui répondit le maître de cérémonie anxieux. Exceptionnellement nous nous entretiendrons des autres sujets à la prochaine pleine lune. Nous devons en premier lieu régler cette affaire. », le maître de cérémonie s'inclina et clôtura aussitôt la réunion.

    C'est ainsi qu'au fil du temps, la prédiction d'Aurore fut véhiculée afin que le monde magique puisse agir de la meilleure façon qui soit, conclut Xsanda qui en relatant cette histoire a le regard vague et emplit de nostalgie.

     

    * Alanoa *

     

    Xsanda, qui règne sur les fées, en attendant qu’Héléna et Capucine entrent dans leur cinquantième année pour monter sur le trône, convient que cette prédiction est assez énigmatique quant à la venue des cinq, mais que pour ce qui est des sœurs, la réponse vient d’être donnée.

    « Nous devons au plus vite raisonner Héléna. Elle doit absolument savoir que tout cela n’est qu’un piège pour la séparer de sa sœur », dit Xsanda résolument en se redressant.

    - Mais j’ai tenté de lui parler et elle n’a rien voulu entendre. Pour elle je suis un assassin, intervient Capucine désespérée.

    - Je sais Capucine, Génard a bien réussit son coup et nous devons trouver rapidement une solution sinon la prédiction sera définitivement lancée, lui répond Xsanda d’un ton lasse. C'est pourquoi je pense qu'Axide est le mieux placé pour lui faire entendre la vérité, » continue-t-il une lueur d’espoir dans la voix dans en ce tournant vers Axide. « Qu'en pensez-vous, acceptez-vous de partir en éclaireur auprès d’Héléna ? demande Xsanda troublé.

    - J'espère être à la hauteur de cette mission, réplique Axide pas très à l’aise. Vous me confiez là une immense responsabilité. Pensez-vous réellement que je sois le mieux placé pour la remplir ? interroge-t-il circonspect.

    - Qui mieux qu’un ange peut faire rejaillir la lumière dans les cœurs ? répond Xsanda avec douceur. Axide vous êtes notre seule chance de faire basculer la situation avant qu’il ne soit trop tard, enchaîne-t-il sur un ton bon enfant. Et nous savons bien, vous comme moi, ainsi que tous les membres de cette assemblé, à quel point notre possibilité de changer les choses est mince. En aucun cas nous ne vous tiendrons rigueur si votre démarche échoue. Même si quelque part nous en connaissons déjà l'issue, tout doit être tenté. » dit-il sagement en posant sa main sur l'épaule de l'ange d'un geste amical.

    Axide du haut de ses deux-mètres-cinq s’incline devant Xsanda et l’assemblée. Même s’il est un ange, il n’est pas dupe pour autant ; il sait que pour faire des miracles il faut être deux, et cela semble mal engagé avec Héléna. Si le Grand-Tout n’a pas réussi à empêcher ce drame, il se demande comment lui pourra y parvenir.

    « Le Grand Patron a tout tenté j’imagine, pense Axide ; et s’il a envisagé d’envoyer une vision à Aurore, la grande prêtresse, c’était certainement pour le cas où le plan A ne fonctionnerai pas. Mais j’ai pas la connaissance d’une autre alternative que les cinq, se dit-il soucieux. À moins qu’il l’ai gardé sous silence pour ne pas alerter Génard ? Ça vaut le coup d’essayer, je suis sûr qu’il sera auprès de moi pendant que j’accomplirais ma mission » ; se dit-il tout à coup ragaillardit par cette hypothèse.

    Alors il se redresse et avec un sourire affable aux lèvres il s’adresse à l’assemblée :

    « J'espère pouvoir la raisonner. Je vais faire le maximum. » annonce-t-il modestement.

    Brun aux yeux bleus indigo Axide est entouré d’une belle aura lumineuse. Sa démarche est souple et gracieuse. Chacun de ses mouvements, à l'instar des plus grands chorégraphes, transporte dans l'univers de la danse. Tout son être irradie la paix et on se sent très vite en confiance auprès de lui.

    Avec un dernier regard sur l’assistance, emplie d'appréhension, il disparaît et par sa simple pensée il se retrouve instantanément à l'endroit même où il le souhaite.

    Axide est à peine parti que déjà Xsanda enchaîne avec détermination :

    « Il nous faut une solution de repli au cas où Axide ne parvient pas à faire fléchir Héléna. » tout en disant cela il se tourne vers Élote un elfe chargé de la communication dans le monde magique. « Élote occupe-toi d'envoyer des émissaires pour prévenir des derniers événements. Que chacun se prémunisse de toutes éventualités de retrait en attendant l’arrivée des cinq. »

    La voix de Xsanda est ferme et posée quand il donne ses directives. Il se sent investit d’une foi qu’il n’avait jamais encore éprouvé et se sent gonflé à bloc, prêt à affronter toutes les possibilités. Il dégage un tel charisme ; savant mélange de force, de douceur, de sagesse, de stratège ; que tout ceux qui discutaient dans tous les sens, commentant les événements à qui mieux mieux se taisent pour l’écouter. Même la tension qui était à son comble quelques secondes plus tôt tombe. Xsanda prend les commandes avec une telle résolution qu’il force le respect et communique sa confiance dans chacun des membres de l’assistance. Ils ont une grande chance avec eux, tout ce qui se passe ne sera pas connu de Génard dont les dons de voyances s’arrêtent sur les guerres. Or là, intuitivement Xsanda mène ses troupes vers la paix. Il sent qu’il est important pour le moment de ne pas chercher à lutter, mais de trouver le meilleur moyen d’enrayer la crise. L’heure est au replis et à la recherche d’une offensive qui mettra définitivement fin à la lutte entre les deux clans.

     

    *

    Tandis que le conseil a lieu à l’autre bout de la grotte, Laïssion revenue sur les lieux de son méfait, s'approche du corps de Victor et l’emmène à Génard. Le démon est aux anges ; paradoxe qui pourrait lui sembler insoutenable si ce n’était la réussite parfaite de ses manigances. Quand la démone arrive dans leur repère avec son colis, il a un sourire qui déchire et limite Laïssion se laisserait tenter par quelques galipettes plutôt que de s’occuper du plan tordu de Génard.

    « Tu crois qu’on a que ça à faire ? la questionne-t-il sarcastique, le regard sévère.

    - De quoi tu cause ? demande Laïssion innocemment.

    - Parce que tu pense que je n’ai pas vu ton regard lubrique ? persifle-t-il On a des chose plus importantes à s’occuper que de la bagatelle ! Continue-t-il dédaigneux.

    - Dis donc, tu ne dis pas toujours ça, alors ça va bien tes airs hautain MONSIEUR, répond-elle agacée et frustrée. Et puis on est pas à cinq minutes près et on peu s’octroyer quelques bons temps pour nous puisque ton plan a marché et que les fées sont enfin séparées ; poursuit-elle platement.

    - Eh non, tu te goure totalement ! Pour que la discorde soit complète il faut que Victor soit en vie et si on tarde on ne va pas pouvoir inverser les sorts ! dit-il énervé par l’impertinence de Laïssion.

    - Je ne vois pas en quoi ça va changer grand-chose puisqu'elle ne saura pas qu’il sera vivant ; commente-t-elle méprisante.

    - Toi qui fabrique des égrégores à tout va, tu n’es même pas foutu de savoir ça ! s’exclame-t-il sur un ton humiliant. Une femme trahit pas sa sœur et ayant perdu son homme est une chose ; mais imagine une femme trahi par sa sœur et détesté par son homme... dit-il avec délectation. Imagine le mal que ça va faire dans son petit cœur d’artichaut et comment on va pouvoir encore plus la démolir la petite Héléna ; poursuit-il suavement au bord de l’extase et les yeux dans le vide, complètement absorbé par la visualisation de ses propos.

    - Je ne vois toujours pas en quoi ça va changer puisqu'elle ne va pas savoir qu’il est vivant », répète-t-elle comme si elle s’adressait à un demeuré.

    La réaction de sa femme arrache Génard de sa contemplation et la regardant avec condescendance il lui répond sur un ton dédaigneux :

    « Tu es conne ou tu le fais exprès ? Je croyais avoir du soucis à me faire avec toi, mais finalement t’es trop crétine ! Que fais-tu des liens énergétiques ? Quand tu fais tes égrégores, tu accumules bien de l’énergie pour le rendre plus fort et qu’il se propage, non ? explique-t-il toujours aussi arrogant. Et bien c’est pareil pour nos ex-tourtereaux ! énonce-t-il triomphant. Héléna sentira dans son inconscient que son Victor est vivant et la déteste au plus haut point et ça servira encore plus notre cause. Nous préparons le terreau de la destruction », finit-il comme s’il dégustait un met exquis.

    Laïssion le sort une fois de plus de ses rêverie ne se raclant la gorge. Mais cette fois-ci, il lui en est reconnaissant même s’il se refuse à lui montrer.

    « Bon c’est pas le tout mais on s’y colle, dit Génard;avec entrain.

    Ainsi, avec Laïssion, ils annulent l'effet du sort de Capucine et ramène Victor à la vie. Ce dernier les regarde interloqué.

    « Que ce passe-t-il ? Qu'est-ce que je fais là ? demande Victor ahurit de se retrouver auprès de Génard.

    - Idiot ! Tu n'as donc pas vu qu'Héléna t'entortillait ? dit-il sur un ton condescendant. Elle t'a volé tes pouvoirs afin de prendre le contrôle de la Terre ! lui dit Génard avec une colère feinte. Heureusement Laïssion t'as retrouvé et ramené parmi nous. Tu as aussi de la chance que je puisse te donner d'autres pouvoirs ; commente le démon fermement.

    - C'est quoi ton charabia ? De quel pouvoir me parles-tu ? interroge Victor pas du tout convaincu par les propos du boss. Les seules capacités que j'ai, sont celles que tu m'as données et je ne vois pas ce qu'elle en ferait. Elle même détient déjà pas mal de dons. Et puis dans quel intérêt me ramener ? Tu n'es pas à un sbire près ; répond Victor sceptique.

    - Détrompe-toi. Elle n'était qu'une débutante, sa formation n'était pas finie, dément le démon rouge de rage. Les fées n'acquièrent la totalité de leur pouvoir que lors de leur cinquantième année. Elle t'a utilisé, car seule la cupidité la menait ; continue-t-il sur un ton convaincant.

    - J'ai plutôt eut l'impression qu'elle se pâmait totalement devant moi et en aucun cas je n'ai vu en elle une once de malveillance, se vante-il plein d’orgueil. La seule chose que je retiens c'est sa suffisance. Et tu n'as pas répondu à ma dernière question, dit-il suspicieux en dévisageant le démon.

    - Espèce de dadais ! Il y avait plus que cela dans son jeu et elle t'a bien dupé ; dit le démon piqué à vif. Tu as de la chance que je veille toujours sur chacun de mes hommes, sinon tu serais mort à l'heure qu'il est ; affirme-t-il puissamment. Quel serait l'étendue de mon pouvoir si vous étiez tous morts ? Voilà pourquoi je ramène ceux que je peux auprès de moi ; ajoute-il tout en fulminant. Laïssion montre lui ce qui s'est vraiment passé dans la grotte puisqu'il a du mal à croire en la duplicité de sa colombe. Il fera moins le malin après. » termine-t-il hautain.

    Génard se tourne vers la démone et lui glisse une petite fiole dans la main. Laïssion avale discrètement la décoction préparée à son intention, pour que ses souvenirs soient effacés et que d'autres viennent prendre leurs places. Puis elle se dirige vers Victor et l'invite à entrer dans son esprit. Sous le choc de ce qu'il voit, il devient livide : Héléna le transperçant avec un pieu de bois en plein cœur. Instinctivement il soulève son pull pour regarder à l'emplacement où la fée a frappé et il y découvre une cicatrice rouge violacée qu'il n'avait pas auparavant. La colère l'emplit totalement et un irrépressible désir de vengeance le submerge. Il regarde Laïssion et Génard, prêt à bondir hors de leur antre pour aller régler son compte à Héléna, quand le démon l'arrête.

    « Ne sois pas stupide. Voyons voir déjà ce que va faire la fée » ; lui dit Génard prévenant en tentant de se composer une expression qui se veut le plus cool possible. « Si elle va dans notre sens, nous pouvons nous servir d'elle. Je te promets qu'après je te laisserai personnellement le plaisir de la tuer ; dit-il en se délectant à l’avance de cette éventualité.

    - N'oublies jamais cette promesse Génard, car sinon, même si je dois mourir je te ferais la peau ; répond Victor menaçant.

    - Tu sais que tu n'y arriveras jamais, rétorque Génard complaisamment en prenant un air supérieur.

    - Méfies toi ! Tu ne sais pas jusqu'où peut aller la colère d'un homme ainsi bafoué. » le prévient-il féroce.

    Génard sait très bien qu'il joue avec le feu. Il sait que lorsque l'on pousse quelqu'un trop à bout, cela peut décupler ses capacités et lui donner des forces herculéennes, jusqu'à renverser le pouvoir en place. Il se demande s'il a bien fait de ramener Victor, s'il n'aurait pas mieux fait de le tuer, plutôt que de lancer cet enchantement qui donne tous les signes d'une mort apparente. D'autant que le Grand-Tout veille toujours au grain. La partie est serrée et il doit être prudent. Il est essentiel que Victor reste à sa botte, il doit être attentif à la façon de le manipuler pour le garder sous son joug. Il doit, pour contrer le Grand-Tout, mettre toutes les chances de leur côté et Victor peut être une arme redoutable, maintenant qu'il se croit trompé par Héléna.

    « T'inquiète, je me ferais un plaisir de te voir tuer Héléna ; dit-il d'un ton mièvre. Tu sais très bien que j'en éprouverais une joie immense, d'autant que tu as eu le coup de foudre pour elle ; continue-t-il jubilatoire. Ne crois pas que je sois devenu bon. J'aime juste ce qui est malsain et tuer la femme qu'on a follement aimée est malsain. Viens, allons trinquer à notre accord, dit-il en prenant Victor par les épaules. Tu sais que je n'ai qu'une parole ; termine-t-il sur un ton paternel.

    - Je n'oublie surtout pas que tu es le chef des démons et que tu es capable de tout. Mais si tu m'as ramené à la vie, c'est que tu dois vraiment avoir besoin de moi ; donc on peut dire que je peux te faire confiance » ; rétorque Victor encore un peu sur le défensive.

    Génard part d’un rire franc et tout en gardant le bras sur l’épaule de Victor il s’adresse à Laïssion :

    « Il me plaît ce petit ! Si j’avais su que pour le corrompre il fallait qu’il ait le cœur brisé, ça nous aurait évité bien des sortilèges ; dit-il en ricanant méchamment. Désolé si je pleure pas sur ton sort Victor, je suis un démon ; on se refait pas hein ? termine-t-il hilare.

    - Même si j’ai juste envie de te foutre mon poing sur la gueule ; répond-il plein de hargne au démon ; tes propos curieusement me rassurent sur tes intentions. »

    Victor se détend quelque peu, embobiné par les propos de son boss, malgré le ressentiment qu'il éprouve encore à son égard.

    Génard sourit intérieurement. « Ah ces humains, ils sont d’un compliqué », pense-t-il. Il se tourne vers sa démone et continue à jouer son rôle à la perfection :

    «  Laïssion sert nous un bon scotch, y'a rien de mieux pour se remettre d'une telle trahison ; ordonne Génard goguenard.

    - Glaçon Victor ou pas ? interroge-t-elle sur un ton monocorde restant totalement impassible face à lui.

    - Sans, merci Laïssion. » répond-il sèchement tant il a du mal à se remettre de s'être fait avoir de la sorte par Héléna.

    Poursuivant son plan, Laïssion sert les verres et verse la potion préparée par Génard qui est sensé leur assurer le dévouement total de Victor.


  • Commentaires

    1
    Samedi 17 Août 2019 à 10:18

    on se demande si  l' univers  n' est  pas  la notion  d' infini,  puisqu'  il s' agrandit  sans   cesse,  ce qui  permet  de supposer  sans  passer  pour  un farfelu,  que  nous  ne sommes  pas   seuls  sur  terre !

    Mais quelque  soit  l' endroit  ou  le  peuple,  on retrouve  les  mêmes péchés   et qualités

    Bonne  journée

     Bises

      • Lundi 19 Août 2019 à 10:52

        Oui, je ne vois pas non plus pourquoi on serait seuls alors que nous sommes face à une immensité pas encore totalement explorée

        bizz

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :